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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/937

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bouffon. Si la publication de Nicolas Nickleby, dans les mêmes conditions, nous était une preuve du succès de la tentative, elle nous serait aussi une garantie que les éditeurs y persévéreront ; et nous ne pourrions que les en féliciter, et nous-mêmes avec eux. Ce seraient les Aventures de Pickwick, ou Martin Chuzlevitt, que j’aimerais surtout à revoir sous cette forme. Mais la maison Hachette, elle toute seule, suffirait à défrayer nos douze pages, et, en récapitulant, nous sommes effrayé de tout ce que nous avons oublié. Nous n’avons rien dit du Journal de la jeunesse, rien des récits de MM. J. Girardin et Aimé Giron : le Capitaine Bassinoire et les Trois Rois mages, rien de ceux de Mmes Colomb et Zénaïde Fleuriot : Jean l’Innocent et le Clan des têtes chauves ; rien non plus des nouveaux volumes de la Bibliothèque des merveilles, ni de celui de M. Onésime Reclus : En France ; ni du Tour du monde, ni, — j’en ai peur, — de bien d’autres encore. Ils sont trop, en vérité, et comment, je ne dis pas les lire, mais les feuilleter utilement dans le court espace d’une semaine ?

C’était, et c’est encore à la maison Hetzel que nous réservons le peu de place qui nous reste, mais ce n’est plus Stahl qui nous en remerciera cette année. D’autres ont dit ce que la librairie française, et la littérature même, avaient perdu en la personne de ce galant homme et de cet ingénieux moraliste. Écrivain lui-même, il fut souvent pour ses auteurs un guide, un conseiller utile, presque un collaborateur autant qu’un éditeur ; et il eut à la fois du talent et du désintéressement, ce qui est devenu depuis presque plus rare en littérature qu’en librairie. Ce qu’il convient ici d’ajouter, c’est que c’est à lui que l’on doit une part au moins de cette petite révolution de librairie qui a transformé la littérature de l’enfance et de la jeunesse ; et nous pouvons le dire avec d’autant plus de liberté que nous lui en avons contesté plus d’une fois non pas l’intérêt, mais au moins l’utilité. Nous tenions, en effet, pour les Contes de fées et pour la Morale en action contre les romans pseudo-scientifiques de M. Jules Verne, et, ce disant, nous le désolions, ici même, une fois l’an, régulièrement. Mais nous avions tous les deux raison : lui, puisque enfin il aura comme débarrassé la littérature de l’enfance de trop de niaiseries et de sornettes qui en formaient jadis le fond ; et nous, puisque aussi souvent qu’il le pouvait, pour un volume de M. Jules Verne, il nous en donnait deux ou trois chaque année de Jules Sandeau, de George Sand, de M. Octave Feuillet, de M. Alexandre Dumas… et de Stahl. Et nous sommes bien persuadé qu’à son tour, aussi souvent qu’il le pourra lui-même, et autant que nous en puissions juger sur son envoi de cette année, M. Jules Hetzel ne dérogera pas à cette tradition.

A la vérité, j’y trouve bien encore un Voyage extraordinaire, un Robur le Conquérant, dont l’objet n’est guère que d’intéresser les imaginations aux progrès futurs de l’aéronef, mais c’est le seul, et M. Jules