s’étale complaisamment. Dans un temps où la passion de l’égalité est aussi forte, il n’est pas surprenant que l’ouvrier, par sa mise, cherche à se rapprocher un peu du bourgeois et que l’ouvrière surtout profite du bon marché fabuleux des objets de toilette pour relever sa robe d’un ruban de soie ou pour remplacer son bonnet par un petit chapeau. La légende d’Agnès de Catane (rapportée, il est vrai, par George Sand) assure que sa toilette de nonne était fort recherchée, et comme son confesseur l’en reprenait, elle répondit naïvement qu’elle ne croyait pas pécher « en aimant à se faire brave. » N’exigeons pas de l’ouvrière parisienne plus de vertu que d’Agnès de Catane, abbesse des camaldules.
On en peut dire autant de ce que je désignais tout à l’heure sous cette expression un peu vulgaire : les menus plaisirs. Parce qu’un homme n’a rien, n’est-il pas un peu dur de le condamner à se priver de tout, et croit-on que, pour vivre habituellement d’une vie de souffrances, il soit plus aisé de se passer complètement
De ces plaisirs légers qui font aimer la vie.
Il ne faut donc pas trop se scandaliser de ce qu’une certaine part
du budget de l’ouvrier parisien passe en divertissemens, pourvu que
cette part ne soit pas trop forte et que ces divertissemens ne soient
pas de ceux qui détruisent sa santé et dégradent son âme. Un
membre éminent de l’Académie des sciences morales s’est élevé
naguère avec éloquence contre ces fêtes foraines qui, depuis les
premiers jours du printemps jusqu’à l’entrée de l’automne, attirent
hors des murs la population ouvrière. Peut-être M. Passy n’avait-il
pas tout à fait tort. Mais quoi ! il faut cependant que ces fêtes répondent à un instinct bien puissant de la nature humaine pour que
les plus anciennes datent du moyen âge, comme par exemple la foire
du lendit, qui se tient à Saint-Denis depuis les premiers Capétiens.
Tout n’est pas, d’ailleurs, à blâmer dans le sentiment qui pousse
l’homme du peuple et sa femme à mettre, le dimanche, leurs ajustemens les plus propres et à faire revêtir à leur petit garçon sa veste
de première communion (quand il l’a faite) pour aller passer avec
lui une journée à la campagne, fût-ce à une fête foraine; c’est une
forme de l’instinct de la famille, et, si l’on ne veut pas que l’ouvrier
travaille le dimanche, il faut bien qu’il passe son temps quelque part.
Peut-être cependant y a-t-il eu dans ces dernières années un certain
abus de fêtes populaires. C’était bien assez de ces antiques fêtes
qui avaient du moins pour elles la tradition, telles que la foire aux
jambons ou au pain d’épices, la foire de Neuilly, ou la fête des
Loges. Je ne suis pas convaincu qu’on ait rendu très grand service à la population parisienne en livrant pendant des semaines