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ni Vigny, ni Hugo, ni Balzac, ni George Sand. Mais je ne veux pas insister sur le Docteur Herbeau, que l’on ne lit plus guère, j’imagine, et qu’ainsi j’aurais l’air de me venger d’avoir dû relire. Sandeau n’avait pas encore trouvé sa vraie voie. Un heureux hasard la lui indiqua. Romantique repentant, il était demeuré romanesque, et s’il ne voulait plus de passions ni d’orages, cependant il lui fallait encore du rare et de l’exceptionnel. Pour en chercher, il quitta son Limousin, dans lequel il avait jusqu’alors encadré ses récits, et n’étant pas ami des longs voyages, il s’arrêta en Vendée. Il y trouvait un pays qui portait alors encore, en 1840, les marques de la guerre civile; des vieillards qui se souvenaient d’avoir suivi Charette et La Rochejacquelein, et, dans des châteaux en ruines, des mœurs pures, des convictions obstinées, des vaincus plus fiers que des vainqueurs. Il comprit que c’était là justement le cadre qui convenait à la nature de son imagination, que le Bocage était la contrée qu’il était né pour peindre; qu’à son goût du romanesque, et au besoin de l’héroïque, les guerres de Vendée lui présentaient l’occasion de mêler son goût de la réalité; qu’on s’était montré là, de 1793 à 1800 et même plus tard, en 1832, ardent et passionné dans une autre cause que celle de ses amours, comme nos romantiques; et c’est alors qu’il écrivit successivement Mademoiselle de Kérouare, Valcreuse, Mademoiselle de La Seigiière, et, plus tard enfin, son chef-d’œuvre peut-être : la Maison de Penarvan.

Il semble bien qu’à l’Académie française, l’autre jour, on en ait aperçu quelque chose. Du moins M. Léon Say, si je l’ai bien compris, a-t-il félicité Sandeau de ses bonnes intentions politiques, et l’a-t-il loué, depuis Marianna, d’avoir fait comme qui dirait du roman selon la charte. Ce serait une allégorie que Mademoiselle de La Seiglière, et un symbole que Sacs et Parchemins. Le marquis de la Seiglière refusait de donner sa fille à Bernard Stamply, mais le bonhomme Poirier jetait la sienne dans les bras du marquis de Presles : tout un programme à quatre. En France, depuis Richelieu, les hommes d’état ont leur façon à eux de comprendre et d’aimer les lettres. Mais, en réalité, l’honnête Sandeau n’y mit point, pour lui, tant de malice ni des intentions à si longue portée. Il vit seulement, comme tout le monde, qu’entre 1815 et 1850 les préjugés, alors encore vivaces, de l’ancien régime, se heurtaient tous les jours aux préjugés, plus récens mais non moins étroits, du nouveau. Sa bonne fortune voulut qu’il observât cette lutte précisément dans celle de nos provinces où l’ancien régime s’est le plus longtemps continué dans les mœurs, tellement qu’en cherchant bien, vous en découvririez encore de faibles vestiges. On lui montra le marquis de La Seiglière, on le présenta peut-être à Mlle Renée de Penarvan, ou plutôt à Mlle Armantine de Valcreuse. Et