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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/323

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rétablit l’ancien régime. Ils prouveront surtout qu’ils ne sont pas seuls menacés, que la révolution française, dont le pouvoir actuel se réclame, après avoir proclamé ses principes, se laissa persuader de les suspendre contre l’église catholique, mais que le jour où il n’y eut plus de droits pour l’église, il n’y en eut pour personne, que la violence introduite dans l’état en devint bientôt l’unique moteur. Ils diront la leçon de ce mal : qu’il fut l’œuvre d’un petit nombre; qu’il se trouve, à toutes les époques et dans tous les peuples, des hommes tourmentés par le soupçon, la jalousie, la haine; que le danger permanent de toute société est de leur abandonner le pouvoir; que tout essai de violence excite leur esprit et leurs forces comme la fureur endormie des fauves se réveille à lécher le sang ; qu’ainsi il y a un siècle, la France modérée, sage, avide seulement de réformes, fut surprise, déchirée par le parti jacobin, que ce parti n’est pas mort, qu’il survit dans les républicains aujourd’hui maîtres du pouvoir; que, s’ils semblent aujourd’hui moins néfastes, il ne faut pas confondre une conversion avec une décadence et prendre pour un retour au bien leur vigueur amoindrie dans le mal. La nature, le but sont les mêmes, et l’on revoit dans ses traits distinctifs le parti qui emploie toujours la loi à mettre hors la loi ses adversaires, et écrit toute l’histoire sur des tables de proscription.

Ce n’est pas assez qu’ils convainquent leurs adversaires d’être les ennemis de la liberté, ils prouveront qu’eux-mêmes, présentés comme les ennemis de la liberté, en sont les plus loyaux, les plus anciens défenseurs. Ils rétabliront la vérité altérée par une tradition de mensonges. Ils rappelleront qu’ils ont dès l’origine pris parti pour les réformes nécessaires, que le clergé, par son alliance avec le tiers, a donné à la révolution la légalité ; par le sacrifice de ses biens, a donné à la révolution ses ressources; que même aux jours où les catholiques luttaient contre la erreur et périssaient sous ses coups, ils servaient encore la révolution, puisqu’ils défendaient la plus précieuse de ses conquêtes, la liberté de conscience. Ils rappelleront que cet esprit a survécu sous les divers régimes, qu’à certaines heures ils ont été les seuls gardiens de la dignité humaine; que, sous Napoléon, quand les anciens conventionnels continuaient à adorer sous une autre forme le despotisme, l’obéissance des catholiques seuls a eu des bornes; que, maîtres du pouvoir sous la restauration, ils ont instauré non-seulement en paroles, mais en actes, la liberté politique dans notre pays ; que les assemblées où ils dominaient en 1848, en 1871 ont été, à leur origine, hardies dans l’entreprise de rendre au peuple le gouvernement de lui-même, et que si, à certaines heures de trouble, ils ont, eux aussi, abaissé leur espoir jusqu’à souhaiter l’arbitraire ou subir la dictature, leur faute a été celle de la nation elle-même, sans préméditation, sans hypocrisie, et