Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils n’ont jamais montré dans le despotisme la science, la ruse, la ténacité, le mensonge familier aux jacobins.

Pour peu que la France ail encore la volonté de demeurer maîtresse d’elle-même, de telles vérités ne seront pas stériles. Le jour où le peuple aura compris que la guerre faite à la religion est faite à la liberté, il condamnera la guerre. Le jour où, pour l’apaiser, il voudra détruire une politique oppressive des consciences, il enlèvera le pouvoir à ceux qui auront créé cette tyrannie, pour le remettre à ceux qui l’auront dénoncée. On a vu cela il y a une année en Belgique ; pourquoi les mêmes causes ne produiraient-elles pas en France les mêmes effets? La lutte aura alors donné aux catholiques une double victoire : la liberté religieuse et la suprématie politique.

Il se peut que le résultat soit plus considérable encore. L’œuvre de la révolution française a été longtemps placée par la piété publique au-dessus de toute controverse : la légende s’établit toujours avant l’histoire, parce que l’enthousiasme ou la haine n’attendent pas la justice. Mais, à mesure que le temps, juge des systèmes, s’écoule, la foi s’ébranle et le doute grandit. Les historiens qui racontent les actes de la révolution, les philosophes qui étudient ses doctrines, les politiques témoins de ses conséquences travaillent à une même œuvre de désenchantement. L’ancien régime n’avait établi une société forte qu’en sacrifiant les droits de l’individu ; le régime nouveau, pour assurer les droits de l’individu, a brisé les forces sociales. Beaucoup pensent que de ces deux erreurs la plus funeste est la dernière : que mettre l’individu au-dessus de la société, c’est préférer l’homme aux hommes, subordonner le principal à l’accessoire, et que ce principal n’est pas l’indépendance de l’individu, mais la vie de la nation. Un assemblage d’êtres où chacun veut rester son maître ne produit que l’anarchie. Il faut que des idées et des aspirations communes les unissent, et s’unir c’est se soumettre. La puissance publique a pour tâche de discerner les intérêts collectifs et permanens de la société, de leur assurer protection et d’empêcher que des esprits aveugles ou éclairés de fausses lueurs ne troublent cet ordre établi dans l’intérêt de tous. C’est cette tutelle nécessaire que détruit l’émancipation des volontés individuelles. La société moderne vacille et menace ruine parce qu’elle est vide d’autorité ; beaucoup le disent, plus encore le pensent et cherchent l’homme ou le parti qui la saura restaurer.

La persécution fournit aux catholiques le moyen d’être ce parti. Traités sans pitié, sans loyauté par ceux qui se disent les représentans de la révolution française, accusés d’être ses irréconciliables ennemis, ils auront peut-être, au lieu de nier, l’audace de demander ce que la révolution a fait de la France, si la nation est plus calme