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au dedans, si elle est plus grande au dehors ; ils oseront peut-être dire que des abus ont disparu, mais qu’ils ont été remplacés par d’autres et non moins visibles ; que le peuple autrefois le plus uni de l’Europe, le plus capable de suite dans ses desseins, est devenu le plus divisé d’idées, le plus inconstant, le plus inquiet; que son gouvernement représente ces contradictions et ces impuissances ; que la valeur des hommes va se proportionnant à la tâche où il est réduit ; que, par une sélection régulière et comme fatale, l’intelligence, le caractère, sont éliminés des fonctions publiques, et ces fonctions de plus en plus abaissées par l’indignité des occupans; que si la faveur des mauvais est précaire, l’impopularité des bons est durable, et, qu’à changer, le peuple ajoute seulement à ses autres maux celui de l’instabilité. Ils oseront conclure que des principes justes ne sauraient produire des résultats funestes ; que si la liberté, avant 1789, manquait aux individus, elle fait défaut aujourd’hui au pouvoir, qu’à son tour il est devenu serf, qu’il faut lui rendre l’indépendance, la dignité, la responsabilité, lui restituer un patrimoine dont chacun détient aujourd’hui un lambeau ; et qu’il est temps de faire, au nom de l’autorité, une contre-révolution.

Quelle force ne donnera pas à cette politique la conduite des républicains ! Dans la palinodie commune à ces fils de la révolution si insatiables de liberté pour devenir populaires, si pressés quand ils deviennent nos maîtres d’imposer d’autorité leurs opinions, leur morale, leur philosophie, le parti catholique signalera une nécessité plus forte que les convictions anciennes et les engagemens de partis. Il ne reprochera plus à ses adversaires de ne pas tenir ce qu’ils avaient promis, mais bien d’avoir promis ce qu’ils ne pouvaient tenir. Il montrera comment, si peu préparés soient-ils au pouvoir, les démagogues eux-mêmes, quand ils y parviennent, sentent le péril de leur doctrine, voient la nation se dissoudre faute des liens que crée la communauté des croyances, et si légers soient-ils à porter les responsabilités, sont entraînés par le bon sens et le patriotisme à rétablir dans la nation une discipline, dans l’état une tutelle; comment même, sous un gouvernement détestable, la société garde l’instinct de la conservation et tend à substituer à l’anarchie, où elle périrait, des principes dirigeans.

Mais après avoir recueilli cette contradiction des jacobins comme l’aveu, décisif dans leur bouche, que le premier besoin de la société est un pouvoir fort, le parti catholique établira que cette contradiction empêche à jamais les jacobins de créer un tel pouvoir. L’autorité n’appartient pas à quiconque rêve de l’exercer, on ne s’en saisit pas comme d’une conquête, elle est une vertu morale ; et la première condition pour atteindre à la force est d’inspirer le respect.