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Toulon est assis et resserré entre le rocher de Faron[1], trop escarpé pour être facilement accessible, et la rade au fond de laquelle son port est abrité. Ses fortifications se relient à l’est à la position de Lamalgue, qui couvre la rade, et elles commandent, au nord, la route conduisant à Marseille, qui passe au pied du Faron. En arrivant par Cuers et Solliés, puis débouchant par La Valette, comme faisaient les Austro-Piémontais, on rencontre des hauteurs qu’il est nécessaire d’enlever avant de pouvoir forcer le passage et investir la place, seul moyen qu’eût l’armée alliée de poursuivre sa marche. C’est d’abord Sainte-Catherine et, en arrière, le plateau de Dardennes qui domine la vallée de ce nom, dont les eaux alimentent Toulon, et au-dessus de laquelle s’élève le Faron. Le travail de Tessé, continué sans relâche à partir du 10 juillet et achevé en quinze jours, consista à réparer et à fortifier l’enceinte, à rétablir et à prolonger le chemin couvert, enfin, à asseoir contre les glacis un camp retranché, garni de canons et palissade, avec quarante bataillons appelés en hâte et de toutes parts, provenant soit des milices, soit des garnisons capitulées retirées de Lombardie. Les premiers bataillons paraissent le 22, les autres suivent ; les treize derniers arrivent le 25. Il n’était que temps, puisque l’avant-garde du duc de Savoie campait ce jour-là à Cuers; elle s’avançait vers Solliès, c’est-à-dire qu’elle touchait à Toulon.

L’effarement des premiers jours est maintenant calmé, et le contentement perce. Tessé est de retour à Aix le 26; il rend compte de tout au roi : la garnison proprement dite, sous M. de Saint-Pater, comprend quatre bataillons des vaisseaux, des gardes-marines, deux bataillons du régiment de Flandre ; le chemin couvert sera soutenu par M. de Catryeux, excellent brigadier; le camp aura deux lieutenans-généraux, que nous connaissons, et trois maréchaux de camp, dont « M. Caraccioli, qui est un homme ferme, et le comte de Villars; » enfin, M. Le Guerchois s’est chargé de la conservation des postes avancés et des escarpemens que l’assaillant doit enlever avant tout. Tout est prêt, l’ennemi peut venir : plus de quinze cents officiers, de la meilleure volonté du monde, sont dans la place ; si tout cela ne peut la sauver et avec elle la marine, « il ne faut plus aller à la guerre, ni croire que ce que l’on a cru jusqu’à présent possible le soit encore...[2]. » — Tessé a risqué, pour ne rien laisser à l’imprévu, de demeurer enfermé dans Toulon; maintenant

  1. On disait alors la Croix-Faron.
  2. Ce sont les propres paroles du maréchal de Tessé, écrivant d’Aix à Louis XIV, le 26.