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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/403

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à des professions libérales, médecins et gens de loi. Partout où la vérité, la justice et l’humanité sont en jeu, les masses ont raison, et les classes ont tort. » C’est sur cette assertion vraiment démagogique que M. Gladstone termina la campagne et rentra à Londres. L’événement allait lui démontrer que, dans la question des concessions à l’Irlande tout au moins, il n’avait pas pour lui les masses autant qu’il se plaisait à le croire.

Tandis que M. Gladstone répandait ainsi à tous les vents les trésors de son éloquence, et que ses partisans répétaient fidèlement partout ses plaidoyers et ses attaques personnelles contre les chefs des partis opposans, ceux-ci triomphaient des difficultés amoncelées sous leurs pas et réussissaient en usant d’un seul argument, la nécessité de préserver l’unité de l’empire, à grouper sur les noms de leurs candidats la majorité des suffrages. Ils avaient, eux aussi, obtenu quelques triomphes oratoires. On parlait beaucoup de la fête magnifique donnée le 12 juin, à Hatfield-Park, aux associations conservatrices et aux ligues primrose (sociétés Beaconsfield) du Hertfordshire, par lord et lady Salisbury. Une foule énorme avait envahi le parc, où des jeux de toute sorte l’attendaient. Puis le noble lord avait adressé à cette foule un discours frénétiquement applaudi. M. Chamberlain avait aussi remporté un succès à Birmingham, et un succès d’autant plus décisif qu’un grand nombre des électeurs de cette grande cité lui en voulaient sérieusement d’avoir trahi son chef et de préparer probablement la rentrée du parti conservateur au pouvoir. C’est le 19 juin qu’il était venu expliquer, encore une fois, ses votes devant des juges prévenus en sa faveur, mais tenus pourtant par les liens si forts de l’idolâtrie gladstonienne. Il leur dit ses anxiétés, son chagrin d’avoir vu s’éloigner tout espoir de réalisation de ses projets favoris, des projets pour l’accomplissement desquels il était entré dans la vie publique alors que ses concitoyens l’avaient élu maire de Birmingham. Un parnelliste, M. Sexton, lui avait jeté récemment à la face que cette situation municipale était tout juste à la hauteur de ses capacités ; cette raillerie ne l’avait point blessé, car il était très fier d’avoir été maire de Birmingham, c’est là qu’il avait puisé son goût si vif pour le self-government local. Il se glorifiait, en ce qui touche la question irlandaise, d’avoir toujours été un home ruler; il l’était aux dernières élections générales, quand la grande majorité du parti libéral n’avait pas assez de sarcasmes contre le home rule. Mais il avait plu à M. Parnell de faire, en août 1885, un discours-manifeste où il disait que l’Irlande ne pouvait plus se passer d’un parlement indépendant siégeant à Dublin, et qu’il était parfaitement assuré de l’obtenir, en moins d’une année, de l’un ou de l’autre des deux grands partis anglais. Dès lors, lui, Chamberlain, avait résolu qu’il