Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

général de la Ligue. Mais la palme de la violence était toujours à M. Dillon. Le 21 novembre, il parut à Burroe, dans le comté de Limerick, entouré d’un état-major de députés parnellistes, devant un nombreux meeting de tenanciers de lord Cloncurry, qu’il s’agissait de convertir au plan de campagne. « Si toute l’Irlande apprenait que les tenanciers de lord Cloncurry ont suivi l’exemple des fermiers de lord Clanricarde, tous les fermiers évincés seraient bientôt rétablis en possession de leurs biens. Que le peuple montre du courage, et lord Cloncurry sera dompté avant un an. » Aux fermiers de Bullaghderin, il dit nettement : « Si vous obtenez 20 pour 100 cette année en adoptant le plan de campagne, vous obtiendrez ce que vous voudrez l’année prochaine. »

Le mouvement était lancé, et les fermiers s’enhardissaient à la résistance par l’attrait des premiers succès obtenus. D’ailleurs le gouvernement ne disait rien, ou, s’il parlait, c’était pour conseiller aux landlords et à leurs agens une extrême modération. Le plan de campagne ne pouvait être immoral puisqu’il était approuvé par le clergé, et d’ailleurs, comment le ministère n’osait-il frapper un coup s’il croyait vraiment l’ordre social troublé?

Le gouvernement finit par s’émouvoir, et M. Dillon, le 30 novembre, fut cité par-devant la cour du banc de la reine, comme coupable d’exciter à la rupture de la paix publique et à la violation des lois. Après quinze jours de procédure, la cour l’a condamné à fournir caution pour sa bonne conduite à l’avenir. Or, jamais il ne fut plus violent, plus sarcastique, plus injurieux, contre les landlords et le gouvernement que depuis sa citation. Quant à son collègue O’Brien, voici dans quels termes il félicitait le 4 décembre les tenanciers de Killeagh d’avoir privé de tout revenu leur landlord, M. Ponsonby. « Nous sommes maintenant portés par la marée montante de la victoire. Nous combattons le landlordism avec une arme que notre grand archevêque déclare parfaitement morale[1]. Vos enfans et les enfans de vos enfans se souviendront avec orgueil que dans ce grand combat final contre le landlordism, dans cette bataille victorieuse, les premiers au feu, les premiers à l’assaut ont été les Faugh-à-Ballaghe de Killeagh! On peut mettre sous clé John

  1. Mgr Walsh, dans une lettre au Freeman’s Journal : « Le pays tombe rapidement dans un état voisin de la désorganisation socialo. Comment tout cela finira-t-il ? Toute la police et tous les soldats du pays devront-ils être mis en réquisition pour chasser les fermiers de leurs demeures à la pointe de la baïonnette? Quand commencera à s’exercer la médiation promise par le gouvernement? et, jusqu’à ce qu’elle s’exerce, quel autre moyen de se protéger contre des landlords déraisonnables reste à la portée des fermiers, en dehors de cette combinaison ingénieuse que l’on appelle le plan de campagne? »