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Dillon, mais quel profit en retirera M. Ponsonby si ses rentes sont aussi sous clé? Vous pouvez être sûrs que vous ne serez pas abandonnés, aussi longtemps qu’il y aura une livre sterling dans la caisse de la Ligue nationale, un dollar dans les poches de nos amis d’Amérique. Nous sommes encore dans l’enfance du mouvement, mais l’enfant promet. Nous avons trouvé une arme à laquelle le landlordism féodal ne peut pas plus résister qu’une armure du moyen âge à l’artillerie moderne. Nous marcherons, épaule contre épaule, de victoire en victoire, jusqu’à ce que nous ayons délivré cette terre des deux fléaux, le landlordism et la domination anglaise, qui ont empoisonné la vie de notre peuple et voué à la misère une terre que la main toute-puissante de Dieu avait désignée pour être un séjour de bonheur, d’abondance et de liberté. »


XII.

L’Irlande présente donc en ce moment le spectacle d’une audacieuse tentative de quelques révolutionnaires pour soulever toute la population des campagnes contre l’ordre social établi, et ameuter la masse des fermiers contre la classe des landlords. La spoliation pure et simple, tel est le but de cette campagne. Le plan publié le 21 octobre par le United Ireland n’est qu’un plan de pillage (a plan of plunder), tel a été le jugement sévère porté par toutes les nuances de l’opinion publique en Angleterre sur l’entreprise de MM. Dillon, O’Brien et consorts. Offrir aux paysans irlandais les moyens de violer leurs engagemens sans se compromettre, de ne plus rien payer sans avoir à redouter les évictions, de confisquer impunément à leur profit exclusif ces terres sur lesquelles ils ont des droits, mais qui appartiennent aussi à autrui, mettre la main au bénéfice de la Ligue nationale et de ses visées politiques, sur les revenus destinés aux landlords et à leurs familles, arrêter au passage cet argent dont tant de femmes, veuves et filles en Irlande, en faveur desquelles les domaines ont été successivement encombrés de charges, attendent leur subsistance, et qui, s’il vient à manquer, n’ont plus d’autre asile que la maison des pauvres ; qu’est-ce autre chose que du pur et simple brigandage ?

Il semblait donc que le devoir du gouvernement fût tout tracé ; il avait déclaré qu’il comptait, pour le rétablissement de l’ordre social en Irlande, sur l’application ferme et régulière de la loi. Or, cette application de la loi devenait chaque jour plus difficile, pour ne pas dire impossible, si on laissait les tribuns de la Ligue continuer contre le landlordism et contre les autorités légales leurs déclamations incendiaires. M. Dillon avait dit cent fois aux paysans.