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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/420

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rien perdu de ses espérances, et il communique sa confiance en un prochain retour de fortune à ses lieutenans fidèles, MM. John Morley et William Harcourt. Après avoir eu ses cent jours de février à mai 1886, M. Gladstone a eu son Waterloo le 7 juin, un Waterloo dont il compte bien se relever. Quelques jours après la fin de la dernière session, le château de Hawarden fut à cet égard le théâtre d’une scène bien caractéristique.

Le 4 octobre, arrivaient au château les députations des quatre municipalités irlandaises de Cork, Limerick, Waterford et Clonmel, venant lui offrir le titre de bourgeois de ces villes. Douze calèches découvertes traversèrent le parc au milieu d’une foule de deux ou trois mille curieux amenés par des trains de plaisir des localités voisines et déposèrent les délégués devant le perron d’honneur. A la tête du cortège se trouvait le maire de Dublin, accompagné de la mayoress, qui présenta aux hôtes de Hawarden une adresse couverte des signatures de quatre cent mille dames d’Irlande. De magnifiques coffrets de chêne, avec ciselures d’argent, renfermant les titres de bourgeoisie, furent présentés à M. Gladstone, tandis que le maire de Cork l’avisait que les mêmes honneurs avaient été décernés avant lui à d’illustres patriotes, tels que William O’Brien, sir John Pope Hennessy, John Dillon, Edmund Dwyer Gray, et surtout « le grand tribun de la race irlandaise dans le monde entier, Charles Stewart Parnell ! » M. Gladstone remercia d’un ton ému les délégués, les assura que justice serait faite, tôt ou tard, à l’Irlande, et qu’il s’y emploierait de son mieux, malgré son insuccès récent. Rappelant avec quelque amertume la défection des radicaux et des wighs, qu’il accusait d’être les seuls auteurs de sa défaite, il se félicita que des hommes comme MM. Goschen et Trevelyan eussent succombé dans l’élection, et regretta presque que M. Chamberlain et lord Hartington n’eussent pas éprouvé le même sort. « Ils s’appellent unionistes, dit-il, comme s’ils entendaient quelque chose à la véritable union, celle de l’esprit et du cœur, entre l’Irlande et l’Angleterre. Ils m’ont battu ; je dois reconnaître qu’ils l’ont fait avec une grande habileté et une énergie extraordinaire. Ils disent qu’ils ont pour devoir de me tenir loin du ministère. C’est sans doute là un très noble devoir ; mais quand ils se vantent de tenir la balance du pouvoir dans le parlement, ils ne songent pas qu’ils ne sont que 73 et que les conservateurs sont au nombre de 316, et je dis que ces prétendus unionistes, qui ne sont pour moi que des libéraux hérétiques, que ces personnages distingués qui se vantent d’un libéralisme de première marque seront obligés de soutenir, sur tous les points, la politique conservatrice et ne sont rien autre chose que la queue du parti tory. Quant à notre cause, je ne crains rien pour elle, je crois à son prochain triomphe. Elle est à présent adoptée formellement