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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/549

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cent soixante-seize blessés et cent cinq atteints de congélation, sans compter les autres malades, dont le nombre, accru par la période de réaction qui suit toujours les grandes crises, s’éleva rapidement à trois mille, pour décroître bientôt et bien malheureusement, car ce ne furent pas des guérisons qui firent du vide dans les salles, ce furent les ravages du typhus. Parmi ces victimes, mourant pour ainsi dire après coup, le colonel Lemercier doit être porté au compte de l’expédition de Constantine. Il convient d’ajouter que tous les blessés et tous les malades n’étaient pas compris dans l’énormité des chiffres qu’on vient de lire ; le commandant Changarnier, notamment, avait ramené tous les siens à Alger, et il est probable que les autres corps étrangers à la province de Bône avaient suivi son exemple. Pour combler tous ces vides, le ministre de la guerre, dès qu’il eut entre les mains le rapport du maréchal Clauzel, prescrivit, le 17 décembre, l’envoi immédiat à Bône du bataillon de tirailleurs d’Afrique. composé de volontaires sortis des régimens de France, du bataillon de la légion étrangère, qui commençait à se reformer sur le modèle de l’ancienne légion, du 3e bataillon d’infanterie légère d’Afrique, rappelé de Corse, de trois compagnies de sapeurs et de mineurs, d’une batterie de campagne et de tous les détachemens que pouvaient fournir les dépôts des corps employés dans la province.

On eût dit que le malheur s’acharnait après les derniers restes De l’expédition de Constantine. Le 30 janvier 1837, la poudrière de La kasba de Bône sauta ; le 17e léger eut à lui seul soixante-six tués ou disparus, cent onze blessés ; le bataillon d’Afrique vingt et un tués, quarante et un blessés; en somme, cette catastrophe, d’un effet si désastreux, coûta la vie à cent cinq hommes et en envoya cent quatre-vingt-douze à l’hôpital. Dix mètres de parapet étaient ruinés sur les faces nord et sud; 1 million de cartouches, 7,000 kilogrammes de poudre avaient fait explosion.

En quittant Bône, le maréchal Clauzel avait laissé au général Trézel, dont la blessure n’avait pas eu les suites fatales qu’on avait redoutées d’abord, des instructions qui lui prescrivaient d’envoyer à Ghelma le lieutenant-colonel Duvivier et le capitaine du génie Hackett, avec cent cinquante hommes du 1er bataillon d’Afrique, deux cent vingt-cinq spahis, soixante sapeurs et vingt canonniers; il s’y trouvait déjà cinq cents hommes du 17e léger. Assurément Ghelma était un poste d’une grande importance; mais lorsque le maréchal Clauzel, dans une dépêche du 3 décembre au ministre de la guerre, écrivait que l’expédition de Constantine « s’était transformée en une véritable et forte reconnaissance à la suite de laquelle il avait occupé Ghelma, » il y avait, dans cette façon de présenter les choses, un tel renversement des faits et une telle exagération, que