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affaires algériennes et non l’échec de Constantine qui, d’après ce qu’affectait de répéter le ministère, était la cause de cette disgrâce. Le général de Damrémont, qui avait dû recueillir une première fois la succession du maréchal, en fut saisi le 12 février 1837, mais il n’entra en possession qu’au mois d’avril.

Dans la séance du 19 janvier, la discussion de l’adresse à la chambre des députés avait abordé la question d’Afrique. Le général Bugeaud fit un discours qui n’était pas pour déplaire au maréchal Clauzel, car tout en raillant les partisans de la conquête, il était d’accord avec lui sur l’urgence d’en finir. « Il importe d’avoir une solution, disait-il ; il n’y a pas de système moyen. Le système mixte dont on a parlé, qui consiste dans la clémence, dans les bons procédés, dans la justice, n’existe pas. Cela est bon à appliquer en temps de paix. On ne fait pas une demi-guerre : il faut la paix ou la guerre avec toutes ses conséquences. On dit qu’on ne veut pas de la retraite : il faut donc savoir organiser la victoire. Pour arriver à un bon résultat, il ne faut pas que l’expédition de Constantine soit un fait isolé; il faut qu’il se rattache à un plan général. Il ne faut pas affaiblir Oran et Alger pour faire cette expédition ; il faut se montrer forts partout pour frapper le moral des Arabes. Et n’allez pas croire qu’il suffit pour cela d’un petit effectif de vingt à trente mille hommes.

UNE VOIX. — Combien donc ?

LE GENERAL. — Il faut au moins quarante-cinq mille hommes. (Mouvement prolongé.) Je ne suis pas guerroyant, mais je parle des Arabes, et avec les Arabes il faut savoir guerroyer, et guerroyer vite, pour être dispensé de le faire longtemps.

M. DE RANCÉ (aide-de-camp du maréchal Clauzel). — C’est le seul moyen d’avoir la paix.

LE GENERAL. — On a dit que la restauration a conquis l’Afrique et que le gouvernement de juillet ne sait ni la conserver ni l’administrer. Messieurs, c’est que la conquête n’a pas encore été faite; elle est encore à faire. La restauration n’a pris qu’Alger ; nous avons bien depuis pris plusieurs villes, et nous n’en sommes guère plus avancés; mais, quand la France voudra faire cette conquête, quand elle le voudra sérieusement, elle la fera. »

Le général Bugeaud n’était déjà plus aussi hostile à l’Algérie qu’il lui convenait parfois encore de le paraître ; au fond il y avait pris goût, et selon l’expression de Kléber, « préparait ses facultés » pour y commander en chef. Le 28 décembre 1836, il écrivait de Paris à Duvivier : « Je viens de plaider une cause facile à gagner : vous allez être fait colonel. Étudiez bien les hommes et les choses pour vous et pour moi peut-être. »


CAMILLE ROUSSET.