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LA
GRÈCE EN 1886

I.
SON ÉTAT MATÉRIEL.

Comme toutes les nations de l’Europe, la Grèce moderne a commencé par une période héroïque. Les noms des héros de l’indépendance, qui ont retenti en Occident de 1821 à 1830, sont encore dans toutes les bouches. Le titre même de héros est celui qu’on leur donne dans leur patrie ; la lutte qu’ils ont soutenue est appelée le « saint combat. » Il s’est formé autour de chacun d’eux des récits de hauts faits, parfois merveilleux et impossibles, qui leur font de véritables légendes et créent une sorte de mythologie. On croirait ce passé déjà ancien ; il ne l’est pas, puisqu’il ne date que d’un demi-siècle ; nous avons connu personnellement plusieurs de ces héros légendaires : Canaris, qui est mort tout récemment, vivait retiré près d’Athènes ; c’était l’homme du monde le plus simple et le moins préoccupé de sa gloire. Dans les derniers temps, comme les partis politiques ne pouvaient se mettre d’accord, on le tira de sa retraite et sa seule présence, à la tête d’un ministère hétérogène, y créa l’unité de vues dont la cause nationale avait besoin. Cela rappelait une scène d’Homère où, les dieux étant divisés et prêts à en venir aux mains, le titan Briarée paraît au milieu d’eux et, sans mot dire, d’un seul regard, y rétablit la paix. La femme