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mais pour faire sentir dans quel état de dénûment la conquête de l’indépendance avait laissé le pays. On n’y trouvait rien de ce qui chez nous rend la vie, je ne dirai pas agréable ni même facile, mais seulement viable. Tel était l’état du royaume ; Athènes seule commençait à se rebâtir. Comme les capitaux manquaient, puisque la longue guerre les avait absorbés, ce fut des étrangers ou des Hellènes habitant à l’étranger qui firent les premières constructions. Le palais du roi n’appartenait pas à la Grèce; on en payait le loyer, et ce n’est que plus tard et par des acomptes successifs qu’il fut racheté. Le grand ministre Coletti était assez pauvrement logé près des ruines de Jupiter olympien ; le héros Tzavellas habitait, dans la ville turque, une véritable bicoque. Mais la vieille duchesse de Plaisance construisait, sur les bords de l’Ilissus, un palais qui est devenu une caserne ; des Grecs de Trieste ou de Constantinople commençaient à élever en plein champ des maisons élégantes comprises aujourd’hui dans la ville nouvelle, ou Néapolis. Un Grec de Russie, Arsace, donna les premiers fonds pour l’institut des jeunes filles; les frères Rizari, pour la fondation de l’école ecclésiastique; le roi Othon contribua à la construction de l’Université. On pourrait citer d’autres exemples de libéralité ; mais une nation ne vit pas de cadeaux. C’est par son travail général qu’elle se fonde, s’enrichit et se développe. Il ne faudrait pas attacher plus d’importance qu’elles n’en méritent aux donations qui ont embelli la ville d’Athènes : elles ont pu répondre à certains besoins, encourager certaines industries, certains arts; mais l’œuvre nationale, celle à laquelle tout le monde contribue, est d’une tout autre valeur. C’est sur elle que nous devons fixer notre attention.

Refaire la population fut le premier besoin du pays, car un grand nombre de jeunes hommes avaient péri à la guerre, et le nombre des filles dépassait notablement celui des garçons. Comme il arrive toujours quand une société tourmentée retrouve des jours paisibles, les naissances se multiplièrent; les familles de cinq ou six enfans étaient communes, parce que ces enfans n’étaient plus voués à la servitude. Les mœurs grecques favorisèrent ce mouvement de la population; les membres d’une famille se soutenant entre eux, les frères aidant les sœurs à s’établir, et les mariages se faisant presque toujours suivant l’ordre de primogéniture. Ces coutumes existent encore aujourd’hui généralement et ne contribuent pas peu à l’unité de la nation hellène. La paix ramena aussi du dehors des nationaux que la guerre et ses misères avaient exilés. Plus tard, l’Angleterre jugea que les îles ioniennes ne lui étaient pas utiles, puisqu’elle possédait Malte et Gibraltar et que la question des détroits était réglée; elle rendit ces îles à la Grèce, à laquelle elles furent réunies en 1864. Enfin, il y a cinq ans, le