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dont ils étaient entourés. Ces conditions se reproduisaient dans la plupart des villes de France, et l’Italie, qui était alors à la tête de la civilisation européenne, n’était pas beaucoup plus avancée sous le rapport de l’hygiène. Dans ces grandes cités, enrichies par le commerce, embellies par les arts, les palais qui font encore aujourd’hui notre admiration se dressaient à côté de ruelles infectes, de quartiers sans issue et sans air, où grouillait la populace la plus sordide qui; se puisse imaginer. La propreté des rues et des habitations était alors chose inconnue. L’Italie elle-même avait perdu les grandes traditions de la civilisation romaine, et le soin des personnes ne compensait pas ce qui manquait à celui des maisons. A une époque où le linge était un objet de luxe, où le savon était inconnu, où l’eau n’était pas toujours suffisante, on peut se faire une idée de ce qu’étaient ces populations du Midi qui, maintenant encore, ne poussent pas le luxe de la propreté aussi loin que celles du Nord.

Les villes de France n’étaient pas dans de meilleures conditions. Les palais eux-mêmes laissaient beaucoup à désirer sous le rapport de l’hygiène. Le Louvre, au temps des Valois, exhalait une odeur détestable; de là cette habitude des parfums violens dont le goût était venu d’Italie et qui n’avaient d’autre but que de masquer cette puanteur.

Sous Louis XIV, à l’apogée de la toute-puissance: royale, la cour elle-même n’avait pas cette propreté minutieuse qui est aujourd’hui l’apanage de toutes les personnes bien élevées. Tout le monde a remarqué ce qui manque au palais de Versailles, et chacun s’est demandé comment ses 25,000 habitans pouvaient se passer de cet élément indispensable de toute habitation collective. Saint-Simon donne à cet égard des détails qui ne laissent rien à désirer et qui ne permettent à personne de regretter les coutumes de ce temps-là. Et cependant Louis XIV est un des rois qui ont le plus fait pour assainir la capitale. Sous son prédécesseur, les ruisseaux des rues infectaient l’air en tout temps. Le règlement général du 30 avril 1663, pour le nettoiement de la ville de Paris, vint remédier à cet état de choses, parce que le roi tint la main à son exécution et déclara qu’il irait lui-même, à pied, inspecter la propreté des rues. Par l’édit de mars 1667, il créa la charge de lieutenant-général de la police et institua même des comités analogues aux conseils d’hygiène qui existent aujourd’hui. Il y en avait un dans chaque quartier, et les grands seigneurs, pour plaire au monarque, en revendiquaient la direction. Ces comités étaient chargés de tout ce qui concerne la propreté des rues et avaient même le droit d’infliger des amendes.

En agissant ainsi, Louis XIV avait en vue le bon aspect de sa