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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/627

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méditerranéen, Naples, Toulon et Marseille, qui ont perdu le plus de monde. A Toulon, ce sont les marins, les soldats atteints de maladies coloniales qui ont succombé en plus grand nombre, et le chiffre des victimes appartenant aux classes aisées a été très restreint : « A Marseille, sur 1,781 personnes qui ont succombé, dit M. Guérard, ingénieur en chef du service spécial maritime, dans son rapport sur l’épidémie de 1884, trois au plus nous étaient connues et de nom seulement. »

Si les ravages que font les grandes maladies populaires, celles qu’on nomme pestilentielles dans le langage sanitaire, vont diminuant avec les années, il ne faudrait pas en conclure qu’elles ont perdu de leur malignité. Les germes infectieux ont conservé toute leur virulence ; c’est le terrain qui ne leur est plus favorable, parce qu’il a été modifié par l’hygiène.

La peste, sur les bords du Volga, a montré les mêmes symptômes, le même degré de léthalité qu’au moyen âge ; le nombre des décès a été tout aussi considérable, par rapport à celui des personnes atteintes ; seulement elle n’en a frappé qu’un petit nombre et elle ne s’est pas étendue au-delà de son foyer primitif. En 1884 et en 1885, le choléra s’est montré le même qu’en 1832, et on n’a pas sauvé proportionnellement plus de malades ; c’est le chiffre des personnes frappées qui a diminué, parce que les conditions n’étaient pas favorables à la diffusion des germes. Les épidémies sont comme le feu qui dévore la moitié d’une ville en bois et qui se borne à quelques maisons quand les constructions sont en pierre. Les élémens infectieux n’ont pas plus perdu leur force de germination que les grains de blé trouvés dans les tombeaux égyptiens, lesquels donnent des épis lorsqu’on les sème dans une bonne terre, et ne produiraient rien du tout si on les répandait sur l’asphalte de nos places et de nos trottoirs.

Les maladies infectieuses ne sont pas les seules que l’hygiène ait désarmées. Elle a porté son action bienfaisante sur la plupart de celles qui affligent notre espèce. Il est inutile d’en faire l’énumération, car ce résultat est tellement frappant qu’il se passe de commentaires. La durée moyenne de la vie humaine s’est accrue de plus d’un tiers depuis un siècle. Elle était de vingt-huit ans neuf mois avant la révolution ; en 1835, elle avait déjà atteint trente-quatre ans et onze mois; en 1865, elle était à trente-huit ans et dix mois ; aujourd’hui, elle dépasse quarante ans. Ceux qui font le procès de l’hygiène, ou plutôt qui ne reconnaissent pas l’étendue de ses bienfaits, répondent à ces statistiques par une fin de non-recevoir : Cette bonification des mortuaires, disent-ils, tient à ce que les médecins sont parvenus à faire vivre une foule de petits êtres