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quartiers. Paris a donné l’exemple il y a trente ans, et cette grande opération, admirablement conduite, en a fait une cité nouvelle. Elle a dégagé ses monumens, mis en valeur ses merveilles artistiques ; elle a substitué de larges voies rectilignes et bien plantées à des ruelles étroites sans air et sans lumière, remplacé par des squares riants et agréables ses tristes carrefours, multiplié les parcs et les jardins publics; elle en a fait, en un mot, la capitale la plus brillante, la plus agréable à habiter et l’une des plus salubres de l’Europe.

D’autres villes ont suivi son exemple, mais elles ne l’ont pas toujours fait avec la même intelligence. Celles du Midi, par exemple, ont voulu, comme Paris, avoir leurs grands boulevards plantés, avec de larges chaussées, des trottoirs spacieux, des perspectives rectilignes. C’était méconnaître absolument les exigences du climat et les enseignemens de l’expérience. Dans les contrées du nord, on recherche la chaleur et la lumière; l’ennemi qu’il faut combattre, c’est l’humidité. Les rues doivent donc être larges et droites, les maisons basses, afin que les rayons solaires puissent arriver jusqu’à leur pied. Dans les régions méridionales, au contraire, il faut éviter, avant tout, le soleil, se garer du vent et de la poussière. Tous les centres de population des pays chauds sont constitués d’après ces principes. Les rues de la vieille Rome avaient 1m,75 à 2 m,40 de largeur, tandis que les maisons s’élevaient jusqu’à 20 mètres. C’était la hauteur maximum fixée par Auguste, au dire de Strabon, et Néron la réduisit à 17m,70. Les anciennes rues de nos villes du Midi sont toutes étroites et tortueuses. On en voit à Montpellier qui n’ont que 1m,75 de largeur et d’autres 2m,40. La kasbah d’Alger est un labyrinthe de ruelles étroites et enchevêtrées ; les maisons se rejoignent, par les étages supérieurs, en formant des voûtes, des arceaux, des couloirs obscurs sous lesquels s’engouffrent de véritables sentiers qui ne sont accessibles qu’aux piétons, et, dans les parties les plus larges, aux petits ânes du pays. Ces dispositions ne sont évidemment pas l’idéal de l’hygiène, mais elles répondent aux exigences du climat. On se sent à l’aise au fond des petites rues de Montpellier et de Toulon où l’atmosphère est tranquille, où le soleil ne pénètre pas. On éprouve un sentiment de bien-être et de fraîcheur sur ces petites places où quelques grands platanes abritent une fontaine dont l’eau jaillit au milieu du feuillage et des fleurs, tandis qu’on évite les nouveaux boulevards, comme celui du Pérou à Montpelher, où le mistral fait rage, où la poussière aveugle, où le soleil vous poursuit de ses implacables rayons. Dans le Midi, d’après les règles tracées par Fonssagrives, les rues ne doivent pas avoir plus