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présentes, ne pouvait être pour la métropole qu’une charge onéreuse. Aussi le ministre n’hésita-t-il pas à regretter, sinon à blâmer formellement, les promesses au moins imprudentes du gouverneur-général.

C’était d’abord et surtout le désastre de la Macta que le maréchal Clauzel avait mission de venger; mais, comme les ressources de l’armée d’Afrique n’y pouvaient pas suffire, il avait été convenu que quatre régimens d’infanterie envoyés de France viendraient renforcer la division d’Oran; malheureusement une invasion simultanée du choléra en Algérie et en Provence arrêta soudain et empêcha longtemps le départ de ces troupes ; le seul 47e de ligne put arriver à Mers-el-Kébir au commencement du mois de septembre. Pendant quinze jours, du 8 au 21 août, les habitans d’Alger, les juifs surtout, furent cruellement éprouvés par le fléau ; du côté des Arabes, Blida, Médéa, Miliana souffrirent bien plus encore. Quand l’épidémie eut à peu près cessé ses ravages, le maréchal, avant de s’engager de fait contre Abd-el-Kader, voulut lui disputer indirectement ses dernières acquisitions en opposant à ses khalifas des représentans indigènes de l’autorité française.

L’inévitable Ben-Omar étant sous sa main, il l’institua, par un arrêté du 9 septembre, bey de Cherchel et de Miliana; l’instituer, c’était facile ; mais l’installer, c’était une autre affaire. Ben-Omar, qui avait de l’expérience, Ben-Omar, qui jadis avait été forcé de quitter Médéa et que, tout récemment, Blida même avait refusé de recevoir, n’était pas très pressé de courir au-devant d’un nouveau mécompte. Lorsqu’il fut décidé qu’il serait envoyé par mer à Cherchel, il fallut l’embarquer presque de force. C’était bien lui d’ailleurs qui avait été le prévoyant; arrivé devant la capitale maritime de son beylik, il apprit que, s’il mettait pied à terre, il serait indubitablement massacré. Cédant à ses prières, l’officier qui le conduisait voulut bien consentir à ne pas l’envoyer à la mort, et le bey in partibus fut tout heureux de revenir dans sa maison d’Alger jouir en paix de la pension de 6,000 francs que lui faisait la France.

Huit jours après la nomination de Ben-Omar, le maréchal Clauzel s’était donné une seconde satisfaction du même genre. Il y avait un vieux Turc, nommé Mohammed-ben-Hussein, ancien khalifa du beylik de Titteri avant 1830 ; le gouverneur imagina de l’instituer bey de Médéa, et d’abord le succès de cette fantaisie ne parut pas impossible. Quelques tribus écrivirent au maréchal qu’elles acceptaient son client et qu’une députation d’une quarantaine de cavaliers allait se rendre auprès de lui pour lui faire cortège; mais les gens de la montagne, Mouzaïa et Soumata, qui avaient gardé mauvais souvenir des Turcs, étaient résolus à barrer le passage aux députés. Ceux-ci, contraints de faire un grand détour par l’est, arrivèrent à Alger le 1er octobre.