anthropomorphisme. Dieu, est le créateur de l’univers, partant de l’ordre universel et de ces convenances, prétendues nécessaires, que découvre et proclame la raison. Sa volonté est antérieure à tout, elle produit cette loi morale et cette justice au nom desquelles on prétend déterminer la conduite qu’il a dû tenir envers les hommes. Elle n’a pas à se conformer à des rapports dont elle est le principe souverain. Volonté et sagesse sont en Dieu identiques et coéternelles. « Sa bonté est arbitraire et son arbitraire est bonté. »
C’était élever singulièrement le débat et le porter sur les sommets de la métaphysique. Law ressuscitait, sans le savoir peut-être, la doctrine de Duns Scott, de Descartes, celle que soutient de nos jours, on sait avec quelle distinction, M. Secretan. Soumettre la toute-puissance de Dieu à un ordre éternel et nécessaire des vérités morales ou logiques, n’est-ce pas, disent Descartes, l’assujettir, comme celle d’un Jupiter ou d’un Saturne, à une sorte de destin? Aussi Descartes va-t-il jusqu’à dire que les plus évidens axiomes des mathématiques et de la géométrie ne sont tels que parce que Dieu l’a voulu. Saint Thomas, Leibniz, Clarke, toute l’école appelée intellectualiste, soutiennent de leur côté que Dieu n’a jamais pu vouloir l’absurde, ni faire que cela ne fût vrai dont le contraire implique contradiction. Nous n’avons pas à prendre parti dans la querelle; observons seulement qu’une doctrine qui s’abrite sous le nom de Descartes ne saurait être traitée à la légère, et nous en conclurons., que le déisme du XVIIIe siècle faisait preuve d’une certaine inintelligence en simplifiant, à l’excès sa philosophie religieuse. On a beau vouloir tout ramener à la mesure de la raison, ou plutôt de sa raison, prétendre enfermer la science des choses divines, tel qu’il est donné à l’homme de la connaître, en un petit nombre de formules très claires et toutes populaires; la raison même soulève de nouveaux problèmes, brise le cadre artificiel des formules, obscurcit une évidence de surface, répond sans cesse aux affirmations par des doutes ou des négations qui sollicitent des recherches toujours plus âpres, en sorte que la pensée vraiment religieuse ne peut jamais se satisfaire de ses conquêtes, et que, plus elle s’enfonce en des profondeurs, plus elle aperçoit devant elle un champ d’investigation infini comme son objet.
En même temps qu’elle était attaquée dans son principe même, au point de vue de sa possibilité ou de son utilité, la révélation chrétienne l’était aussi dans ses preuves externes, les prophéties et les miracles. Ici encore les déistes anglais précèdent Voltaire et lui forgent des armes dont il saura se servir merveilleusement.