Il n’y a pas aujourd’hui, en France, un homme à demi raisonnable qui n’ait le sentiment plus ou moins vif, plus ou moins profond du désarroi des affaires publiques, de l’abaissement de toute chose, des difficultés et des dangers de toute sorte créés au pays. Ce pauvre pays, ce bon peuple français qu’on berne en l’appelant souverain et en l’envoyant faire son éducation à l’école primaire, finit par ne plus savoir où il en est, et ceux qui se disent ses serviteurs, qui ne sont pour lui que des maîtres brouillons ou arrogans ne savent pas mieux où ils en sont, ni ce qu’ils font ni ce qu’ils veulent. C’est le seul fait évident : on va à l’aventure dans cette vie publique de tous les jours, où le bien lui-même se fait au hasard et sans suite, où les partis, sans plus s’inquiéter des redoutables réalités qui les pressent, continuent à donner leurs représentations, qui ne sont le plus souvent qu’une parodie ou une mystification.
Y aura-t-il définitivement pour cette année qui s’ouvre no budget régulier, ou bien s’en tiendra-t-on au régime des douzièmes provisoires, ce dernier mot des assemblées et des gouvernemens impuissans ? Avant que le budget soit voté jusqu’au bout, le ministère qui est né, il y a six semaines, n’aura-t-il pas sombré dans quelque échauffourée vulgaire ? En d’autres termes, la France, qui n’est pourtant pas bien difficile, a-t-elle la chance d’avoir un de ces jours, d’ici à peu, quelque chose d’à demi fixe, une loi des finances, un gouvernement, une ombre, une apparence de direction politique ? On n’en sait rien encore, ceux-là mêmes qui tiennent dans leurs mains les affaires de le