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avant l’âge de raffinement, de l’appauvrissement et de la décadence, a été transporté dans une pépinière semblable et lointaine où subsiste à demeure le régime tragique et militant; le germe primitif s’y est conservé intact, il s’est transmis de génération en génération, il s’est renouvelé et fortifié par des croisemens. A la fin, dans sa dernière pousse, il sort de terre et se développe magnifiquement, avec les mêmes frondaisons et les mêmes fruits qu’autrefois sur la souche originelle ; la culture moderne et le jardinage français lui ont à peine élagué quelques branches, émoussé quelques épines : sa texture profonde, sa substance intime et sa direction spontanée n’ont point changé. Mais le sol qu’il rencontre en France et en Europe, défoncé par les orages de la révolution, est plus favorable à ses prises que le vieux champ du moyen âge ; et il y est seul, il n’y subit pas, comme ses ancêtres d’Italie, la concurrence de son espèce; rien ne le réprime, il peut accaparer tous les sucs de la terre, tout l’air et le soleil de l’espace, et devenir le colosse que les anciens plants, peut-être aussi vivaces et certainement aussi absorbans que lui-même, mais nés dans un terrain moins friable et resserrés les uns par les autres, n’ont pu fournir.


II.

« La plante-homme, a dit Alfieri, ne naît en aucun pays plus forte qu’en Italie; » et jamais, en Italie, elle n’a été si forte que de 1300 à 1500, depuis les contemporains de Dante jusqu’à ceux de