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— or, sur le chapitre des pensions, la nouvelle administration s’est montrée plus économe que politique; elle a réduit la liste civile d’AIi-Bey de 300,000 francs (de 1,200,000 à 900,000 fr.). La dotation des princes et des princesses, dont l’énumération remplirait une page, a été, d’année en année, rognée : elle est arrêtée actuellement au total insuffisant de 700,000 francs. Sans doute ces princes ne sont pas tous intéressans, mais ils existent, nous ne pouvons les faire disparaître ; en les maltraitant, nous risquons de les rendre populaires, hostiles, peut-être redoutables ; tandis qu’avec de bons procédés, quelques laveurs habilement distribuées, nous les isolons, ils deviennent bon gré mal gré nos auxiliaires. Dans les pays de protectorat, l’économie qui frappe trop rudement les chefs dont nous nous servons pour gouverner est impolitique ; nous y pouvons perdre beaucoup.

Le bey réside où bon lui semble : Achmed avait fait bâtir la Mohammedia, Mohammed vivait au Bardo et à la Marsa, Saddok à Kaser-Saïd et à La Goulette; — Sidi-Ali s’est installé à La Marsa. Chaque samedi, quand il doit rendre la justice, et les jours de fête, il passe quelques heures au Bardo ; c’est là, à 2 ou 3 kilomètres de Tunis, que siégeait l’administration, à l’abri des mouvemens de la populace. On trouva, non sans raison, qu’à cette distance elle échappait trop à notre contrôle, et on la transféra à Tunis, au Dar-el-Bey, quand la commission financière fut supprimée. — On mit fin à ce perpétuel va-et-vient des fonctionnaires et des solliciteurs qui parcouraient deux fois en un jour cette route assez longue à pied ou en voiture, et qui n’en étaient ni plus riches ni mieux payés ; on enleva aux rats, à la poussière et à la pluie les archives du gouvernement où s’entassaient, avec les actes officiels, les reçus des fournisseurs et des prêteurs qui, souvent à la faveur de ce désordre, se faisaient payer deux fois, — Les pièces des procès en cours d’instance, et aussi les titres précieux dont on se servit pour dresser le sommier de consistance des biens domaniaux. Ces archives sont aujourd’hui classées au Dar-el-Bey.

Un grand nombre de fonctionnaires furent rais à la retraite ; ceux d’entre eux qui avaient rendu des services reçurent une pension, ceux qui conservèrent leur place eurent des attributions définies : on trouva en ces derniers, sans parler de leur expérience qu’aucun zèle étranger ne pouvait remplacer, une bonne volonté qui dépassa toute attente et qui permit à la nouvelle administration de marcher très vite. — Ce personnel a causé l’étonnement des hommes qui connaissent celui des administrations turque et égyptienne, auquel il est très supérieur ; la Tunisie possède une race de bureaucrates modestes, assidus, prudens et qui a survécu à la désorganisation générale. Le premier ministre et le ministre de la plume, deux indigènes