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de grande-famille, sont les chefs de cette administration ; à côté d’eux, un Français, délégué par la résidence avec le titre de secrétaire général du gouvernement tunisien, remplit à peu près les fonctions de sous-secrétaire d’état de la république auprès du gouvernement beylical, et représente au sein même de ce gouvernement notre contrôle:; la situation de ce fonctionnaire est délicate: il doit contrôler sans affaiblir, sans diviser; son rôle est de tout connaître, mais non pas de tout empêcher; il signale les réformes à introduire, entend les plaintes les accusations ; sa présence seule est une menace pour les mauvais agens, un encouragement pour les bons, — à la condition, bien entendu, qu’il soit entièrement d’accord avec la résidence, — autrement les Arabes sont assez fins pour aller du côté du plus fort et ne plus tenir compte de son autorité.

En même temps que l’administration générale, l’administration des villes était reconstituée ; érigées en communes, une partie des recettes de l’état fut affectée à leur venir en aide, toutes leurs ressources étant passées aux créanciers ou au Bardo. — Chaque ville un peu importante a aujourd’hui son conseil municipal qui gère ses revenus règle les questions relatives à l’entretien, à l’aménagement des rues, au bien-être des habitans, etc., et qui chaque année dresse un budget. Si ce budget est trop faible, l’état y ajoute une subvention : ainsi la ville de Tunis inaugurait le sien pour 1884-1885 avec un million de recettes dont un tiers de subvention.

Ce double sacrifice, restitution des recettes et subvention, est considérable ; il ne doit point passer inaperçu. Était-il nécessaire, ou plutôt ne pouvait-il être fait dans une autre forme, directement par l’état, sans l’intermédiaire des conseils? — Cette question sera posée par les adversaires des municipalités dans les colonies. Leur théorie est la suivante : dans un pays que nous occupons à peine, oh les indigènes et les étrangers sont bien plus nombreux que les Français, permettre aux villes de s’administrer elles-mêmes, leur donner, avec la disposition plus ou moins libre de leurs ressources, une représentation indépendante, c’est commettre une imprudence irréparable. — Les conseillers sont nommés par décret, — Dira-t-on ; — sans doute, mais la liste des Européens et des israélites, dans la plupart, des villes, est si peu longue, qu’en réalité le gouvernement n’a pas à choisir ; il nomme ceux qui seraient élus. — Il se débarrasse ainsi d’un grand nombre d’allaires d’intérêt local, mais il émancipe des villes encore en enfance; livrées à des habitans de toutes les races, parmi lesquels les nouveaux venus sont les plus ambitieux et se posent en maîtres, elles ont bien des chances de devenir des foyers de discorde; les questions locales les plus mesquines