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de savoir comment on les remplacerait, comment on recruterait des contrôleurs civils. Elle fut résolue grâce à la patience et à l’éclectisme qui ont tant facilité la plupart des réformes du protectorat. On avait eu le temps de chercher ; on s’était rendu compte que, pour commencer, la qualité des agens importait infiniment plus que le nombre, et qu’un petit état-major d’élite, nous le dirons plus d’une fois, rend plus de services qu’une légion de ces fonctionnaires dont ne veut pas la métropole ; peu à peu, — non pas en acceptant tous ceux qui se présentaient avec des recommandations qui suppliaient ou menaçaient, mais au contraire en sollicitant ceux qui ne demandaient rien, des gens qui avaient un passé, une réputation irréprochables, — on arriva à pourvoir, non sans faire bien des mécontens, trois, puis quatre, puis six postes de confiance ; aujourd’hui, ce nombre est doublé.

Je ne doute pas qu’on trouve en France de quoi le quadrupler bientôt, s’il en était besoin. Parmi les officiers supérieurs qui ont servi longtemps en Algérie, beaucoup ne peuvent plus supporter le climat du pays natal et prennent leur retraite comme commandans ou colonels à Constantine, Alger, Oran ; ils sont encore pour la plupart vigoureux, aiment l’Afrique, y sont eux-mêmes aimés des Arabes et tout autant des officiers; — Toujours énergiques, l’âge leur a pourtant appris la prudence, ils n’ont plus d’ambition; ils peuvent sans se faire de tort, sans encourir aucun blâme, mettre leurs belles qualités militaires au service du pouvoir civil, contribuer à établir la confiance, une union féconde entre leurs anciens compagnons d’armes et leurs nouveaux chefs ; — Et c’est à ces anciens officiers qu’on doit s’adresser, à ceux qui ne se résignent pas à vivre inutiles et qui ne demandent qu’une occasion de servir encore leur pays.


IV.

Nous en avons fini avec la réforme financière et le contrôle. Les difficultés dont nous venons de donner un aperçu sont peu de chose auprès de celles que la multiplicité des juridictions européennes à Tunis avait fait naître. La nouvelle administration comme l’ancienne avait les mains liées par les capitulations; le traité du Bardo respectant, nous l’avons vu, les conventions passées par les beys avec les puissances étrangères, celles-ci restaient maîtresses d’entretenir des consulats et des tribunaux dans la régence et d’y assurer à leurs nationaux des immunités incompatibles avec le régime régulier que nous avions à organiser. Tous les consuls conservaient leurs gardes, leurs janissaires, leurs prisons ; leurs demeures étaient, comme par