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le même genre de vie, sont très vigoureux. Ils sont, en revanche, doués d’une extrême résistance à la fatigue, aux privations et à la douleur. Pouvant facilement rester vingt-quatre heures sur un cheval sans prendre aucune nourriture, ils sont également bons piétons. Ils marchent indéfiniment, jour et nuit, sans s’arrêter, soutenant leurs forces avec une poignée d’herbes ou quelques têtes de chardons qu’ils épluchent à la façon d’un artichaut. A la vérité, ces prouesses, que chacun d’eux peut faire et qui n’étonnent personne, ne constituent point leur régime ordinaire; le repos au soleil est l’état qu’ils affectionnent le plus et auquel ils se livrent le plus volontiers.

Ils sont d’une violence inouïe; leur physionomie, en général assez dure, prend, lorsque la colère les domine, une expression vraiment farouche. Ces emportemens de sauvages sont, en réalité, leur moyen d’intimidation le plus efficace sur les Persans, qui demeurent épouvantés à la vue de ces faces qui se crispent, de ces yeux féroces et de ces dents blanches entre lesquelles sortent de rauques imprécations. Au reste, ils ont la main légère et sont prompts à jouer du lourd bâton qui ne les quitte jamais, à moins qu’ils n’aient un fusil ou un sabre. Leurs mouvemens impétueux sont d’ailleurs tempérés par une extrême prudence, et, vis-à-vis des Loris ou des Bakhtyaris, qui ne les redoutent point, ils ont d’autres façons d’agir. Leur colère ne suit son libre cours que si leur adversaire a peur le premier.

Très hospitaliers, faisant beaucoup moins que les Persans de vaines promesses ou de chimériques offres de services, ils sont aussi bien moins intelligens. La force brutale est leur seule manière de prendre le bien d’autrui, ce qui semble être en Perse le but de tout effort. Les Arabes sont pillards au-delà de toute expression; la maraude est à peu près la seule occupation des hommes. Ils se précipitent sur les caravanes en poussant de grands cris et en tirant des coups de feu ; ils assomment à moitié ceux qui n’ont pas pu fuir assez vite et emportent tout ce qu’ils peuvent. Les plus audacieux enlèvent tout le convoi, bêtes et charges. Le cheik de la tribu prélève un tant pour cent sur la prise, et les hommes qui ont mené l’expédition se partagent le reste. Outre ces aubaines, qui sont accidentelles, il y a chaque jour un coup de main contre une autre tribu ; non pas qu’ils se haïssent. « Nous ne sommes point, disent-ils, ennemis de cœur, mais seulement ennemis de buffles. » Ils entendent par là que le vol des troupeaux est seul cause de leurs querelles, il existe ainsi entre eux une comptabilité très compliquée. Telle tribu, disent les uns, a encore tant de bêtes à nous. Alors une petite bande se met en marche, et, si les circonstances sont favorables, ils reprennent ce qui est censé leur appartenir et