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de leur table était fixée à 5 francs par jour en assignats, et plusieurs, dont tous les biens étaient séquestrés, se trouvaient réduits à emprunter le prix de leur nourriture. Mais ils étaient heureux malgré tout d’être en possession de leurs papiers et de pouvoir terminer cette liquidation, qui paraissait, au plus grand nombre, devoir amener leur mise en liberté; ils se mirent au travail avec ardeur, y consacrant dix heures par jour. Les détenus essayaient encore de se distraire, et Delahante nous a transmis une pièce de vers médiocre adressée à ses collègues par le président du comité grivois de l’Hôtel des fermes.

Les commissaires reviseurs, Gaudot et ses complices, poursuivaient leur examen des comptes et refusaient de faire connaître leurs prétendues découvertes aux intéressés ; ceux-ci, cependant, grâce à leurs parens et à leurs amis, qu’ils avaient la permission de recevoir, parvinrent à connaître la nature des principaux délits qui leur étaient imputés. Ils répondirent aux accusations par de courtes notes qu’ils transmettaient à la commission. Enfin, après trente et un jours, ils purent remettre leurs comptes entre les mains du comité des finances, le 27 janvier 1794, et décidèrent en outre de réfuter toutes les assertions des reviseurs dans un mémoire d’ensemble dont la rédaction fut confiée à Lavoisier.

À ce moment, les détenus paraissent avoir repris confiance dans l’avenir, n’ayant pas laissé une seule objection sans réponse, un seul calcul sans justification, une seule justification sans preuve; suivant Mollien, beaucoup se berçaient de l’espoir qu’ils allaient être relâchés, puisqu’ils avaient obéi aux décrets de la Convention. Ils écrivirent au comité des finances pour réclamer leur mise en liberté; mais, les reviseurs voulant encore du temps pour revoir à nouveau les documens fournis par les financiers, leur demande fut rejetée. La commission de révision termina enfin son rapport, qui fut imprimé, en germinal, par ordre de la Convention ; les fermiers-généraux, accusés de vols et de dilapidations, étaient considérés comme redevables à l’état d’une somme de 130 millions. Malgré l’art avec lequel Gaudot et ses acolytes groupèrent les chiffres, ils étaient loin, comme on le voit, d’arriver à cette somme de 400 millions de livres dont ils avaient parlé au député Montaut. Indemnités et gratifications abusives, versemens tardifs dans les caisses de l’état des fonds perçus par l’impôt, prélèvement d’intérêts de 10 et 6 pour 100, tandis qu’au dire des reviseurs le bail ne leur en accordait que 4 pour 100; enfin, exaction sur le tabac râpé : tels étaient les crimes principaux dont on inculpait les financiers signataires des baux de David, Salzard et Mager. Il serait peu intéressant de reprendre une à une les imputations des commissaires reviseurs ; aussi bien l’innocence des fermiers-généraux