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partie du club des jacobins? Mme Lavoisier était-elle injuste, dans l’irritation de sa douleur, en accusant les savans de la mort de son mari, et Lalande pensait-il à quelque rival de Lavoisier quand il écrivait cette phrase cruellement énigmatique : « Son crédit, sa réputation, sa fortune, sa place à la trésorerie lui donnèrent une prépondérance dont il ne se servait que pour faire le bien, mais qui n’a pas laissé de lui faire bien des Jaloux. J’aime à croire qu’ils n’ont pas contribué à sa perte? »

Pendant cinq mois, du 4 frimaire au 19 floréal, aucun des élèves ou des collaborateurs de Lavoisier n’intervient en sa faveur : ni Monge, que ses rapports avec Robespierre compromettront après le 9 thermidor ; ni Hassenfratz, dont Lavoisier avait soutenu la candidature à l’Académie, et qui était devenu un des membres actifs du club des jacobins ; ni Guyton de Morveau, qui, aux jours de prospérité, lui adressait tant de lettres amicales; ni Fourcroy, qui, par sa conduite ambiguë et timorée, s’attirera l’accusation injuste et sanglante d’avoir demandé la mort de son maître.

Certes, ce fut là une calomnie, œuvre d’un ennemi personnel, et aucun document ne permet de trouver à cette imputation la moindre apparence de vérité :

« Pendant sept années où nous l’avons connu, dit M. Chevreul, jamais il ne s’est présenté une circonstance de nature à nous le faire juger défavorablement; comme homme public ou comme homme privé, il eut de nombreux amis qui lui restèrent fidèles. »

« Il fut accusé, dit Thibaudeau, d’avoir précipité vers l’échafaud ou laissé périr des savans qui étaient au premier rang de la carrière. Je voyais Fourcroy tous les jours, jamais je n’ai surpris une parole, un sentiment capable d’ébranler la haute estime que j’avais autant pour son caractère moral que pour ses grands talens. »

L’histoire nous le fait juger moins favorablement.

Plein de vanité et d’ambition, avide d’occuper le premier rang, — Et il l’occupa après la mort de Lavoisier, — Fourcroy dut sa haute fortune à la vivacité de son intelligence, à la facilité de sa parole, à l’art avec lequel il présenta les doctrines de la chimie pneumatique, à laquelle il s’était rallié en 1786. Chimiste de second ordre, il fut professeur sans égal ; par son enseignement, par ses remarquables écrits, le Système des connaissances chimiques et le Dictionnaire de chimie de l’Encyclopédie méthodique, il eut une influence capitale sur la diffusion des idées nouvelles, il serait injuste de le méconnaître; mais sa réputation ne fut qu’un reflet de la gloire du maître, et les historiens, en les mettant sur le même plan, ont confondu le vulgarisateur habile et le génie créateur.

Fourcroy, après sa collaboration à la nomenclature chimique,