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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 79.djvu/95

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montraient autour des colonnes ; entre eux et les flanqueurs avait commencé la fusillade.

Le général d’Arlanges ordonna la retraite; les deux colonnes réunies firent demi-tour. A peine s’étaient-elles mises en mouvement que de toutes les gorges, de tous les ravins, s’élancèrent des bandes hurlantes. Du mamelon de Sidi-Yacoub partait un feu nourri. Le général, suspendant la marche, donna l’ordre de le faire occuper par les tirailleurs de l’arrière-garde ; ils furent repoussés, les compagnies détachées pour les soutenir furent repoussées à leur tour, un demi-bataillon du 67e réussit à s’élever, la baïonnette en avant, jusqu’au marabout, mais ne parvint pas à s’y maintenir. Les Kabyles, acharnés à sa suite, se précipitèrent sur la pente : ni les obus, ni la mitraille qui trouaient leurs rangs pressés ne les arrêtèrent. Ils étaient déjà sur les pièces, quand une charge des Douair, enlevés par Moustafa, debout sur ses étriers, les fit reculer enfin. Dans ce conflit, le général d’Arlanges, qui était au plus fort de la mêlée, reçut une balle à la tête ; le lieutenant-colonel de Maussion, son chef d’état-major, le capitaine de Lagondie, son aide-de-camp, furent blessés à côté de lui. Par droit d’ancienneté, le colonel Combe prit le commandement. À ce moment critique, Moustafa signala, derrière la foule ennemie, un guidon noir de forme triangulaire qui, passant de la droite à la gauche, s’éloignait dans la direction du camp : « c’est, dit-il, au colonel, le drapeau de l’émir; il est là ; il veut nous couper la retraite ; il n’y a pas un instant à perdre. » Renonçant à tout retour offensif, le colonel Combe fît mettre au bord d’un ravin toutes les pièces en batterie, et, sous la protection de leur feu, la marche en arrière fut reprise ; mais bientôt les munitions manquèrent ; les gargousses, mouillées au passage de la Tafna, ne pouvaient plus servir. Ce furent les charges de la cavalerie qui suppléèrent à la mitraille. La colonne reculait lentement ; elle mit quatre heures à faire les deux lieues qui séparaient du camp le marabout de Sidi-Yacoub. A mesure qu’elle gagnait du terrain, les attaques de l’ennemi redoublaient de violence; plus ardent qu’au combat de Dar-el-Atchoun, plus acharné qu’à la Macta même, c’était le souvenir de cette grande journée qu’il aurait voulu égaler par un aussi éclatant triomphe ; et quand il vit près de lui échapper la proie qu’il poursuivait depuis le matin, son dernier effort fut terrible. A travers les lignes rompues des tirailleurs, Arabes et Kabyles se jetèrent sur les baïonnettes ; quelques-uns bondirent au milieu de la colonne jusqu’aux pièces de canon, qu’ils saisissaient par l’affût, par les roues, luttant avec les artilleurs corps à corps. De tous ceux qui avaient pénétré dans ce cercle de fer aucun ne sortit vivant. Enfin, à une heure, la colonne atteignit la tête de pont ; pendant la lutte opiniâtre qu’elle venait de