on espère le faire admettre promptement dans une des usines de Billancourt, car il est de principe chez les dames de l’œuvre de rapprocher autant que possible les personnes appartenant à la même famille.
Les petits asiles sont placés sous la direction de femmes choisies par l’œuvre : logées, éclairées, chauffées, elles reçoivent un franc par jour et par pensionnaire, mais elles sont chargées de pourvoir à la nourriture. Dans la cuisine, j’ai soulevé le couvercle d’une casserole et j’ai découvert un ragoût de veau aux carottes qui mijotait en dégageant un fumet de bon aloi. L’utilité de ces maisons de refuge sera appréciée, lorsque l’on saura qu’en 1886, on y a fait mille cinq cent quatre journées de présence, sans compter que, pendant deux cent cinquante nuits, on a donné l’hospitalité à des femmes qui, travaillant le jour au dehors, venaient y dormir. Ce monde, qui de sa vie passée a dû garder quelques oscillations, est-il tout à coup devenu irréprochable? J’ai voulu, comme l’on dit, en avoir le cœur net, et je m’en suis allé trouver le maire de la commune. C’est un homme fort expert en matière administrative et de cœur charitable; la crèche, l’école maternelle, l’hospice des vieillards de Billancourt, peuvent servir de modèle sous le triple rapport de l’installation, de la bonne tenue et de l’économie. A ma question, quelle est la conduite des femmes protégées par l’Œuvre des Libérées de Saint-Lazare, il a répondu : « Jamais elles n’ont donné lieu à aucune plainte; vous entendez, jamais; je les aide, lorsqu’il y a lieu, en leur accordant des bons de pain, de viande, de chauffage: des bons de lait, si elles ont des enfans; c’est à cela que se borne mon intervention, car, je vous le répète, non-seulement je n’ai pas à sévir, mais je n’ai même pas eu d’observation à adresser à une seule d’entre elles. »
Un fait prouve que le maire ne s’est point trompé : plusieurs pensionnaires des petits asiles ont été pourvues de conditions à Billancourt même, y restent et ne sont point mécontentes de leur sort. Une seule catégorie de femmes est résolument mise en dehors de l’action de l’œuvre : c’est la catégorie des femmes qui boivent ; celles-là sont ingouvernables, puisqu’elles ne se possèdent plus, et elles sont incorrigibles, car l’alcoolisme est une maladie chronique avec accès aigus. Une dame patronnesse me disait énergiquement : « On guérit du vol, on ne guérit pas de l’eau-de-vie. » On est donc forcé de les abandonner; plus tard, l’assistance publique les recueillera et les internera à la Salpêtrière dans la section des aliénées. Quant aux autres, à celles qui ont passé ou qui auraient pu passer devant la police correctionnelle pour des délits de droit commun, on n’en désespère pas. Il est rare que celles qui se donnent de