Ceux qui fondèrent la philosophie crurent tout expliquer au moyen de quelque substance physique, eau, air ou feu, prenant successivement toutes les formes. D’autres vinrent, qui pensèrent que, pour fonder la science, il fallait des principes supérieurs à la sphère des sens et même de l’imagination, et que connaissait la seule intelligence. Frappés, d’ailleurs, de tout ce qu’expliquaient de la nature les mathématiques, alors naissantes, où, comme a dit Descartes, se mêle à l’imagination, qui tient encore des sens. L’entendement, les Pythagoriciens et les Platoniciens crurent trouver les dernières raisons des choses dans les nombres et dans l’unité à laquelle ils se réduisent; dans les nombres ou dans les idées, de nature analogue, réductibles au même principe, en lesquelles l’entendement, non sans l’aide, encore, de l’imagination, enserre et ordonne les objets.
Les Pythagoriciens et les Platoniciens passaient ainsi de la matérialité, dont s’étaient contentés, au moins en apparence, leurs prédécesseurs (qui, à vrai dire, n’étaient pas sans y mêler un principe d’ordre et d’union), à un monde immatériel, mais tout fait de contours vides, monde d’abstractions, sans rien de substantiel et de vital. Comment trouver là quelque chose de semblable à ce dieu qu’imaginaient pourtant les Pythagoriciens, et dont la respiration, pénétrant partout, entretenait, disaient-ils, l’universelle existence?
Les Grecs paraissent avoir toujours cru que les barbares, d’esprit moins raffiné qu’eux, avaient un sens plus profond des principes. C’était à un montagnard thrace, prêtre inspiré d’un dieu, qu’ils rapportaient l’origine de la science et de la sagesse. Un élève de Platon, mais dont le lieu de naissance était peu éloigné des contrées où la fable avait placé Orphée, et qui devait faire l’éducation du futur roi de Macédoine, moins disposé que ses condisciples à se contenter des subtilités helléniques, étudiant de près la nature ainsi que l’humanité, plutôt que les mathématiques, et voyant que tout y était mouvement, il lui apparut que l’essence des choses devait être l’énergie, d’où le mouvement suivait, et que c’était là aussi le bien dont tout était avide. Au sommet de l’univers, une énergie absolue, ayant sa fin comme son principe en elle seule, intelligence pure, veillant éternellement dans la vive intuition de soi-même, telle était la cause suprême, ou Dieu, à qui le monde était suspendu, aspirant sans cesse à approcher de sa perfection. Au-dessous, à tous les étages de la nature, des énergies relatives, incomplètes, décroissant, de degrés en degrés, jusqu’à cet état de simple puissance sans action, ou de virtualité inerte en laquelle se résout ce qu’on appelle, par opposition aux formes qu’elle revêt, la matière.
Estimant à ce point dans l’univers l’énergie, Aristote sut apprécier