des effets sensibles à leur principe intelligible, ce qui exige un perpétuel va-et-vient, des retours et rebroussemens rapides, et, par conséquent, une parfaite souplesse. C’est ce que Pascal indique dans cette phrase du Discours sur les passions de l’amour : « Il y a deux sortes d’esprit : l’un géométrique et l’autre que l’on peut appeler de finesse. Le premier a des vues lentes, dures et inflexibles, mais le dernier a une souplesse de pensée qu’il applique en même temps aux diverses parties aimables de ce qu’il aime. Des yeux il va jusqu’au cœur, et par le mouvement du dehors il connaît ce qui se passe au dedans. Quand on a l’un et l’autre esprit tout ensemble (c’était justement le propre de Pascal), que l’amour donne de plaisir! Car on possède à la fois la force et la flexibilité de l’esprit, qui est très nécessaire pour l’éloquence de deux personnes. » Que serait-ce si Pascal eût particulièrement considéré dans la beauté ce qui en est comme l’âme, et qui, par suite, est la propre cause de l’amour, c’est-à-dire la grâce? La grâce, qui est toute souplesse et flexibilité, et, conséquemment, aussi différente que possible de la roideur géométrique. Alors surtout, pour définir l’esprit capable de la comprendre, il eût noté en cet esprit, comme en étant un caractère essentiel, cette facilité infinie d’ondoyer en tout sens sans effort et de se jouer en toute sorte de plis et de replis que figure le serpentement des choses vivantes (serpeggiamento), dont se sont tant occupés et qu’ont su si bien rendre Léonard de Vinci, Michel-Ange et le Corrège.
C’est encore une perfection que Pascal attribue à son « esprit de finesse » que de voir les choses « d’une seule vue. » Rien de plus opposé à la marche déductive de l’esprit géométrique. Mais c’est si bien une perfection que le géomètre lui-même doit toujours chercher à s’en rapprocher. Pour Descartes, c’était une imperfection de notre esprit, conséquence de son commerce avec le temps, d’avoir besoin, pour saisir les rapports, après en avoir parcouru successivement les élémens, de la mémoire. L’enchaînement des déductions n’avait pour objet que de joindre les principes avec les conséquences. Pour amener l’entendement à la perception claire de leur union, il fallait s’exercer à parcourir la série des conséquences de plus en plus rapidement, jusqu’à ce qu’on en vînt à réunir dans une appréhension d’un instant le commencement et la fin.
De plus, Descartes, que précéda en cela encore Aristote, définit la géométrie une science non-seulement de la mesure, mais de l’ordre. Dans le raisonnement en général, on réunit des idées contenues l’une en l’autre par une idée de capacité moyenne : en mathématiques, où l’on recherche de plus, la mesure exacte, cette mesure s’obtient