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Après l’organisation de la province, ce que le maréchal Valée avait le plus à cœur, c’était l’occupation définitive de Stora. Depuis la reconnaissance faite au mois d’avril parle général de Négrier, une route de neuf lieues avait été ouverte dans cette direction jusqu’à Smendou, par le colonel du génie Vaillant. Le 30 septembre, le général Galbois fit commencer les travaux du camp retranché d’El-Arouch, à six lieues seulement de Stora, et, le 8 octobre, le gouverneur put adresser de Skikda la dépêche suivante au ministre de la guerre : « L’armée a pris possession hier de l’ancienne Rusicada ; le quartier-général est établi sur une position qui domine la rade et a reçu le nom de Fort-de-France; le camp, sur l’emplacement duquel s’établira la ville, est dans une position parfaitement couverte qui touche à la mer. » Substituée à Stora, où l’escarpement du sol ne se prêtait à aucune installation possible, l’ancienne Rusicada se voyait ainsi renaître ; bientôt un royal parrainage allait lui permettre de changer le nom de Skikda pour celui de Philippeville; la rade de Stora devait lui servir de port.

Le maréchal avait amené quatre bataillons d’infanterie et trois escadrons de chasseurs d’Afrique ; il y avait bien eu pendant la marche quelques coups de fusil sur les flancs de la colonne ; mais, entêté de pacification, il n’avait pas voulu y prendre garde. Le lendemain de son arrivée à Skikda, un des caïds du Sahel étant venu l’avertir d’une prise d’armes imminente des Kabyles contre le camp d’El-Arouch, il le reçut très mal; cependant l’avis méritait un autre accueil. En effet, un convoi venant de Constantine fut surpris et enlevé; puis le camp même eut à repousser une attaque. Le retour de la colonne expéditionnaire ne fut pas inquiété d’ailleurs. La garde de Philippeville et du camp d’El-Arouch resta confiée au 61e de ligne, et celle du camp de Smendou au bataillon turc, sous les ordres du capitaine Mollière.

Le 1er décembre, le général Galbois, alors en tournée de contributions chez les Harakta, reçut, par une dépêche du gouverneur, l’ordre de se porter sans retard sur Sétif. Impatient d’ouvrir la route directe d’Alger à Constantine et mécontent du silence inexpliqué d’Abd-el-Kader, le maréchal Valée avait obtenu du gouvernement l’autorisation d’occuper le fort de Hamza, sur l’Oued-Sahel, et c’était pour concourir à cette opération qu’il appelait le général. Celui-ci, ayant réuni à la hâte toutes les troupes disponibles, se mit en mouvement le 5 décembre. La marche, retardée par le mauvais état des chemins que ravinait une pluie torrentielle, fut lente. Il fallut s’arrêter deux jours à Mila. « En y arrivant, raconte le docteur Bonnafont chirurgien en chef de l’ambulance, nous fûmes témoins d’un fait que je n’oserais rapporter, si je ne l’avais vu moi-même. Avant d’entrer