— plus de bibliophiles que de bibliographes — il y en a eu, il y en a, mais ce n’est point comme bibliographes qu’ils sont académiciens, ou du moins ne l’ai-je pas ouï dire.
Enfin, la classification des sens ou des différentes acceptions des mots n’est guère plus heureuse dans le Dictionnaire historique de l’Académie que le choix des exemples. Pour y avoir voulu « faire marcher de front, — Ce sont les propres expressions du rédacteur de la préface, — L’histoire philosophique et l’histoire positive des mots, » on a encore ici tout brouillé et tout confondu. Grâce à cette combinaison, nous trouvons en effet, dans le Dictionnaire, de soi-disant sens propres ou premiers qui n’auraient commencé d’être employés, si nous l’en voulions croire, qu’au XVIIIe siècle, par exemple, tandis que le XVIe, au contraire, et le XVIIe, auraient fait constamment usage du même mot dans le sens figuré. Je ne sais d’ailleurs si, dans une langue telle que la nôtre, qui n’est pas née d’elle-même, si l’on peut ainsi dire, mais du concours de plusieurs autres, l’histoire philosophique des mois doit être l’objet d’un Dictionnaire, et, particulièrement, d’un Dictionnaire historique. Pour l’historien d’une langue donnée, le sens propre d’un mot n’est pas même celui qu’il avait dans la langue dont on l’emprunte, et encore bien moins celui que l’on lui trouve, ou que parfois on lui prête, en le décomposant en ses élémens ; c’est le sens avec lequel il est entré pour la première fois dans la langue. Car si l’on fait une fois commencer l’histoire d’un mot français avec celle du mot latin dont il est dérivé, quelle raison aura-t-on de ne pas poursuivre et remonter jusqu’au grec, jusqu’au sanscrit, jusqu’à la prétendue langue mère indo-européenne? Mais, sans insister, sans demander quelle est la compétence de l’Académie française dans ces questions qui confinent à tout ce qu’il y a de plus obscur dans la science encore à peine ébauchée des étymologies, qui ne voit du moins qu’à partir du moment où un mot est entré dans la langue, son histoire, en dépit de la philosophie, ne saurait plus s’écrire qu’avec des textes et qu’avec des exemples? Et les textes, où sont-ils? Ces exemples, où les trouve-t-on? Justement dans ces périodes lointaines de l’histoire, qui ne relèvent pas de l’Académie française; et non-seulement dans les grands écrivains de l’époque classique, mais encore dans les écrivains du moyen âge; non-seulement dans les écrivains, mais dans les chartes, mais dans les diplômes, mais dans les « documens d’archives, » ainsi qu’on les appelle ; mais dans les débris enfin des anciens dialectes et jusque dans la formation des langues sœurs ou dans la corruption de la langue mère. Est-ce l’affaire de l’Académie française, et, pour préciser les idées par un nom, lorsque jadis elle s’associa Raynouard, était-ce le rénovateur futur de la philologie romane, ou l’auteur applaudi de la tragédie des Templiers?