Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/721

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indien contre les progrès de la domination russe. Ils se méfient et ont toujours l’œil sur Caboul, sur Hérat, sur les frontières. En dépit des signes qui ont pu troubler récemment les autorités britanniques et des complications qui ne sont pas impossibles, cependant, le choc est-il si prochain entre les deux puissances qui se rencontrent en antagonistes au centre de l’Asie? La Russie n’est peut-être pas si pressée de courir à un conflit déclaré, et le gouvernement anglais lui-même, à en croire les déclarations récentes du cabinet devant la chambre des communes, serait moins inquiet que ceux qui le représentent dans l’Inde; il a démenti l’envoi d’un corps d’observation sur la frontière afghane. S’il n’a pas "une complète sécurité, il affecte de l’avoir. Le gouvernement anglais ne désire sûrement pas une guerre au fond de l’Asie; il a pour le moment bien assez de conduire les affaires d’Irlande à travers tous les défilés parlementaires, d’avoir à tenir tête à la fois aux obstructions, à l’opposition libérale, à M. Gladstone, à M. Parnell et aux Irlandais, qu’il essaie de dompter, faute de pouvoir les apaiser.

Cette campagne que les tories revenus au pouvoir ont entreprise contre l’Irlande, ou, si on l’aime mieux, pour la pacification de l’Irlande, elle n’est pas près de finir sans doute, si même elle doit finir; elle est à peine engagée. Le ministère de lord Salisbury a repris la question tout entière; il a voulu avant tout préparer le terrain ou dégager la situation par un règlement destiné à simplifier la marche des débats parlementaires, à vaincre l’obstruction. Il a fini par conquérir son règlement, non cependant sans avoir eu à soutenir une longue et laborieuse bataille de plus de trois semaines, où les Irlandais ont épuisé leur éloquence et leur esprit de tactique pour garder le droit d’embarrasser toutes les discussions. Il y a eu des séances de la chambre des communes qui ont duré jusqu’à vingt-quatre heures sans interruption! Ce n’est que ces jours derniers, après le vote définitif de la nouvelle procédure parlementaire si vivement disputée, que le ministère a pu présenter les deux projets sur lesquels il compte pour pacifier l’Irlande: l’un tendant à la répression des crimes, l’autre combiné de façon à adoucir les différends entre les fermiers et les propriétaires. Le bill agraire qui est un complément ou le développement du landact, que M. Gladstone a fait voler il y a quelques années, peut être un progrès, une atténuation libérale; il est douteux pourtant qu’il suffise à désarmer les Irlandais. Le bill sur la répression des crimes a évidemment une portée des plus graves. Il abolit à peu près le jury, pour remettre à deux magistrats une juridiction sommaire sur les cas de conspiration, de violation des lois, d’attaques contre les fonctionnaires; il donne au vice-roi le droit de prononcer sur les associations qu’il jugerait dangereuses ou illégales. La première question qui s’est élevée a été de