résulter. Louis XV avait été arrêté, en effet, au moment où une armée autrichienne, sous les ordres du prince de Lorraine, beau-frère de Marie-Thérèse, envahissait la province d’Alsace ; et pour faire tête à cette agression, il quittait lui-même une armée qu’il conduisait en Flandre, où il avait commencé une brillante campagne. Il comptait être aidé dans sa résistance par l’appui du roi de Prusse, qui, après s’être retiré assez brusquement de l’alliance française deux années auparavant, venait d’y rentrer par un traité encore secret.
Effectivement, dès que l’entrée du prince de Lorraine en Alsace lui fut connue, Frédéric, fidèle à ses engagemens, entra de son côté brusquement en Bohême, rompant le traité qu’il avait signé à Breslau avec Marie-Thérèse et par lequel la possession de la Silésie lui avait été assurée. Il menaçait ainsi la reine de Hongrie dans ses propres foyers. Devant cette diversion inattendue, Marie-Thérèse dut songer à sa sûreté et rappeler toutes ses troupes en Allemagne. Le prince Charles, qui était déjà maître de l’Alsace et s’apprêtait à franchir les défilés des Vosges pour passer en Lorraine, reçut ordre de s’arrêter et de rétrograder au plus vite.
Nul doute que, si Louis XV eût été alors en pleine santé et à la tête de ses troupes, il ne se fût mis sur-le-champ à la suite du prince de Lorraine et, le pressant l’épée dans les reins, n’eût changé sa retraite en déroute. Mais le maréchal de Noailles, qui, en l’absence et pendant la maladie du roi, se trouva provisoirement chargé du commandement de l’armée française, accablé de cette responsabilité inattendue, n’osa prendre sur lui de faire aucun mouvement décisif. Mollement poursuivi et nullement inquiété, le prince de Lorraine put repasser le Rhin presque sous les yeux du général français et ramener en Allemagne son armée intacte.
On peut juger quelle irritation cette faute véritablement très répréhensible dut causer au roi de Prusse. C’était contre lui, en effet, qu’allait marcher en droiture l’armée du prince de Lorraine, ainsi échappée des mains des Français, et il se trouvait par là avoir attiré lui-même sur sa tête l’orage qu’il avait détourné de la nôtre. Il adressa sur-le-champ à Louis XV, avec sa vivacité et sa liberté de langage accoutumées, les plus pressantes réclamations. En réparation du tort qui lui était fait et pour en prévenir les conséquences, il exigeait qu’un corps d’armée français fût mis à sa disposition et vint le rejoindre en Allemagne, sur le théâtre des combats qu’il avait à livrer contre Marie-Thérèse. Il soutenait, non sans quelque apparence de fondement, qu’une intervention de ce genre lui avait été promise, en cas de nécessité, par un des articles du nouveau traité.