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petit garçon devint la joie de l’atelier ; joie de courte durée, car la mort se hâta de l’emporter. La mère est restée à l’asile, employée tantôt aux travaux du ménage, tantôt aux tables où l’on broche les livres. On la traite avec quelque déférence, car l’infortune a des droits auxquels on ne résiste guère. La maison lui paraît bien grande, maintenant que le pauvre petit n’y est plus. Elle n’est pas seule à souffrir de cet impitoyable départ. La directrice, qui est une femme active et compatissante, très empressée autour du troupeau qu’elle guide, regrette l’enfant dont la gentillesse l’avait séduite et qu’elle aimait à sentir se mouvoir autour d’elle.

Tous les libérés ne séjournent point dans les asiles ; un certain nombre qui réclament les bons offices du patronage s’adressent directement au « bureau, » dont le siège est rue de l’Université, no 176, dans une dépendance des anciennes écuries impériales. Le plus souvent on n’y distribue que des vêtemens ou de faibles secours en argent ; cependant trente-neuf libérés hommes ont été pourvus d’emplois et sept ont été dirigés sur des colonies. C’est du bureau que part l’impulsion ; des administrateurs d’autant plus dévoués qu’ils ne sont point rétribués et qu’ils représentent les volontaires de la charité sociale, entretiennent des relations avec l’administration des prisons, la prélecture de police, les ministères, les grands établissemens de travaux publics, les directeurs de chantiers, les chefs d’usine, les colonies, les familles des condamnés, afin d’être utiles à ceux-ci et de les préserver lorsque sonne l’heure de la libération. Ces chefs du patronage sont très ardens à leur œuvre, ils en comprennent l’utilité, ils voudraient l’étendre, la propager et en faire ce qu’elle devrait être, ce qu’elle sera, une organisation de salut, où tout libéré de bon vouloir trouvera la possibilité de ne plus être un danger pour lui-même et pour les autres. Les services que la société a rendus sont déjà considérables ; on les a sainement appréciés en haut lieu ; aussi, tout en lui laissant son initiative, en ne s’immisçant pas dans ses façons d’être, en ne contrôlant même pas ses moyens d’action, le gouvernement a jugé utile de lui donner son appui. On semble s’être inspiré des paroles que M. Bérenger a prononcées à l’assemblée nationale, lors d’une discussion sur une loi pénitentiaire ; il a dit : « Il faut qu’il y ait des sociétés de patronage, il faut que le gouvernement intervienne, non pas pour les diriger, non pas pour en nommer les présidens, car il serait à craindre qu’une intervention de cette nature ne gâtât l’œuvre ou ne la compromît, mais pour lui prodiguer ses encouragemens et en favoriser l’action. » C’est là ce que l’on fait, rien de plus ; le cas est rare en France, où l’administration semble trop souvent prendre à lâche de substituer son action aux actions individuelles. Le ministère de l’intérieur a accordé « au bureau » un logement