croisades, il adressa, le 15 avril, au maréchal Valée ou plutôt à la France entière, ce défi superbe : « J’ai appris que vous voulez m’attaquer avec cinquante mille hommes ou plus. Je ne crains pas, avec l’aide de Dieu, le nombre de vos soldats. Vous savez que mon royaume n’a que huit ans d’âge, tandis que le vôtre dure depuis près de deux mille ans, que vous avez des troupes nombreuses et de nombreux instrumens de guerre. Eh bien ! donnez-moi des instrumens de guerre que je vous paierai avec de l’argent; alors, je réunirai des troupes, la moitié seulement des vôtres, et nous combattrons. Ou bien, restons chacun dans les pays qui sont dans nos mains d’ici à douze ans ; alors mon royaume aura vingt ans d’âge ; chaque année de mon royaume comptera pour un siècle du vôtre, et nous combattrons. Envoyez un homme de chez vous qui comptera mes soldats ; opposez-moi deux hommes contre un, je vous jure que je n’augmenterai pas d’un guerrier le nombre qui sera compté. Que le maréchal vienne sur le champ de bataille : j’enverrai contre lui un de mes khalifas. Si mon ami est le plus fort, alors vous m’abandonnerez l’intérieur du pays et vous resterez dans les villes maritimes; si votre ami est le plus fort, alors, moi, je ne vous disputerai pas le chemin depuis Alger jusqu’à Constantine. Que le duc d’Orléans vienne sur le champ de bataille ; moi, l’esclave de Dieu, j’y viendrai aussi. Si je parviens à le vaincre, alors vous retournerez tous dans votre pays, et vous laisserez dans les villes tout ce qui appartient au beylik; vous partirez seulement avec vos biens et vos têtes. Si, au contraire, lui parvient à me vaincre, vous serez débarrassés de moi et la province sera pour vous. Si vous acceptez une de ces propositions, faites réunir les consuls des nations pour qu’ils soient témoins. Quoique vous nous regardiez comme faibles, nous sommes forts par Dieu, qui est notre maître et notre victoire. Je vous jure, au nom de Dieu qui nous a honorés par l’islam, qui nous a chéris pour avoir suivi notre seigneur Mohammed, — que le salut soit sur lui ! — que vous ne posséderez pas la régence, que vous n’y serez jamais en repos et que vous n’en jouirez pas. Celui de vous qui restera vivant me verra un jour sur le trône d’Alger, et celui de vous qui sera alors à Alger sera sous le sabre des croyans. » Que répondre à ce fier cartel, à cette provocation d’un autre âge? Évidemment rien selon la raison. Mais le sentiment chevaleresque s’indignait qu’on n’y pût rien répondre, et l’honneur trouvait humiliant que la raison silencieuse laissât le beau rôle avec le dernier mot à l’émir.
Puisqu’il était interdit de parler, il fallait au plus tôt substituer l’action à la parole. Le corps d’armée qui allait faire campagne sous le commandement du maréchal-gouverneur était formé de deux divisions et d’une réserve commandées, la première division par le