Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenue, ne devaient prendre avec eux que les cartouches et trois rations de vivres. Le soir, entre huit et neuf heures, le général se mit en route avec sa colonne légère. Après un bataillon de 550 zouaves venaient trois escadrons du 1er chasseurs d’Afrique, un bataillon de 290 tirailleurs, 40 sapeurs du génie, quatre obusiers, une section d’ambulance, enfin A80 hommes du 17e léger de la garnison de la Maison-Carrée, au total : 1,800 hommes. On marcha toute la nuit; avant l’aube, on fit halte au pied des collines de Kara-Moustafa. L’ancien camp, occupé par un poste kabyle, fut enlevé tout de suite, puis ce fut l’infanterie de Ben-Salem, qui, surprise au bivouac, ne fit pas longue résistance. Restait la cavalerie; au lever du soleil, on la vit, sur l’autre rive du Boudouaou, en ligne de bataille : au centre, un escadron rouge ; sur les ailes, 1,200 cavaliers du Sebaou et de l’Isser. Couverts à droite par les tirailleurs, à gauche par les zouaves, les chasseurs d’Afrique franchirent la rivière, poussèrent droit aux rouges, les rompirent, et, l’infanterie Aidant, mirent toute la ligne en déroute. Les Arabes laissèrent sur le terrain 129 morts, 200 fusils, des pistolets, des yatagans ; on leur prit 17 hommes, 44 chevaux, 35 mulets; dans la tente de Ben-Salem, on trouva ses tapis, ses éperons, son cachet. Parmi les morts, on reconnut un vaillant chef, le kaïd des Isser, tué d’un coup de sabre par le lieutenant-colonel Tartas. Du côté des vainqueurs, la perte en tués ou blessés ne fut que d’une vingtaine d’hommes. Le soir même, tandis que les troupes se reposaient au bivouac avant de reprendre, le lendemain, le chemin de leurs cantonnemens, le général Changarnier entrait chez le maréchal, tout surpris de le revoir sitôt, victorieux en vingt-quatre heures.

« Il y a ici, écrivait le capitaine de Montagnac, un général qui est tous les généraux d’Afrique : c’est Changarnier. Y a-t-il une expédition à organiser ? Vite on ramasse des fractions de tous les corps et l’on prend mon Changarnier. Y a-t-il une razzia à faire? Changarnier. S’agit-il d’établir un télégraphe dans les nuages? Encore Changarnier, toujours Changarnier ! Changarnier est donc le factotum, l’homme universel, indispensable, de toutes les affaires africaines. Du reste, il répond à la confiance qu’on a en lui : il se bat bien. Sa réputation va toujours grandissant, et bientôt la terre ne sera plus assez vaste pour le contenir. Voici les opérations de ravitaillement qui vont commencer; Changarnier commande l’expédition. Il a dû traverser le col, aujourd’hui 3 octobre, car on a entendu une canonnade assez nourrie toute la journée. Ils auront encore un fameux pavé à arracher pour franchir cette barrière infernale où tant de Français ont péri et qui nous coûtera encore bien du monde. Quel système, grand Dieu ! que celui qu’on a adopté pour occuper ce pays ! Ces horribles villes, véritables prisons, dans lesquelles