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depuis ce jour, une négociation active, pressante, n’a cessé de se poursuivre entre Paris et Berlin, surtout à Berlin, où tout se décide. Le dernier mot ne pouvait qu’être à l’équité internationale ; c’est là tout ce que la France demandait.

Le vrai point, en effet, est là. Que la cour de Leipzig, sans se préoccuper des conséquences de son action, ait cru devoir instrumenter contre un fonctionnaire français accusé d’être trop zélé à remplir ses devoirs de sentinelle de frontière, c’est son affaire. Que M. Schnæbelé ait pu, à la première minute, être strictement, matériellement arrêté sur le territoire allemand, c’est encore une autre question sur laquelle les témoignages peuvent être contradictoires et difficiles à concilier; mais, tout examen de ces détails mis à part, il y a un fait qui domine tout, qui donne aux légitimes réclamations de la France le caractère évident d’une revendication de droit international. Le commissaire français a-t-il été officiellement convoqué par son collègue d’Allemagne sur la frontière pour une affaire de service? S’il l’a été, et on n’en peut plus douter, il était placé sous la sauvegarde de l’appel qui lui avait été adressé en sa qualité de fonctionnaire ; il n’a pu être arrêté que par une surprise inavouable, par un subterfuge qui a vicié d’avance son arrestation, et les agens clandestins qui l’ont attendu au piège pour le saisir, ont été, les premiers, les vulgaires violateurs de la garantie représentée par la parole de leur chef. On a cité justement un arrêté des consuls de l’an VIII refusant; de retenir des émigrés jetés par un naufrage sur la côte de Calais, et motivant leur décision par ce considérant : « qu’il est hors du droit des nations policées de profiter de l’accident d’un naufrage pour livrer, même au juste courroux des lois, des malheureux échappés aux flots. » A plus forte raison n’est-il pas permis d’attirer par un louche et équivoque stratagème de police, pour un délit dit politique, un fonctionnaire d’état sur le territoire voisin. S’il en était autrement, il n’y aurait plus ni traditions tutélaires, ni règles protectrices entre les peuples, ni bonne foi publique, ni droit international. Il est clair qu’il n’y aurait plus aucune garantie le jour où un fonctionnaire de frontière, qui est une espèce de plénipotentiaire à chaque instant exposé à traiter avec les fonctionnaires de l’état voisin, pourrait être pris dans un piège à loup au sortir d’une conférence. La frontière serait livrée à la force et la ruse. Le gouvernement de l’empire allemand, c’était à prévoir, ne pouvait se laisser compromettre par des agens subalternes dans ce qui n’apparaît plus que comme un médiocre guet-apens. Le chancelier de l’empereur Guillaume, avec ses saillies de génie et ses impatiences de domination, a l’esprit assez haut pour ne point hésiter à désavouer un acte maladroitement violent, fait pour émouvoir l’Europe autant que la France, et la constatation de l’irrégularité de l’arrestation du commissaire