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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/238

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manie et remanie depuis assez longtemps déjà et dont elle se prépare à demander la discussion à la rentrée des chambres. Cette réorganisation sera bonne ou mauvaise, elle offrira des avantages ou des inconvéniens, la question aura son jour; mais il est bien clair, dans tous les cas, que la première nécessité est de maintenir ce qui existe en le fortifiant, que ce n’est pas le moment de s’engager dans une entreprise qui exige du temps, de la maturité, et de s’exposer à être surpris par les événemens en pleine transformation ou plutôt en pleine désorganisation. Ce serait jouer le sort même de la France pour quelques fantaisies de théoriciens. Il y a un autre point où il n’est pas moins nécessaire de revenir à la vigilance la plus sévère, à la plus stricte prudence, c’est l’ordre financier. On a assez répété depuis dix ans aux ministères et au parlement qu’ils abusaient de la fortune de la France, qu’ils épuisaient le crédit et qu’ils s’exposaient ainsi à se trouver, un jour ou l’autre, avec des finances embarrassées, en face d’événemens qu’on peut toujours prévoir. Ce jour est venu, et les finances, qui pourraient être une des forces du pays, sont aujourd’hui une de ses faiblesses. On ne sait plus comment refaire l’équilibre dans le budget, comment relever le crédit affaissé sous le poids de charges démesurées; il le faut absolument, cependant, et on ne le peut que par le plus sévère esprit d’économie et de prévoyance, en se mettant résolument à l’œuvre pour rétablir à tout prix les conditions essentielles de l’ordre financier. Ce n’est plus une affaire de parti, c’est une affaire de patriotisme, et les chambres qui vont se réunir, le gouvernement qui va les seconder, qui devrait les diriger, prendraient assurément la plus redoutable des responsabilités s’ils touchaient, pour les diminuer ou les affaiblir encore, à l’armée et aux finances, ces deux grands ressorts de la puissance française.

Les affaires de l’Angleterre offrent certainement, depuis quelques semaines, un spectacle curieux au milieu des agitations, des diversions et des incidens qui remuent ou occupent le monde. Rien ne se dessine clairement, rien ne finit, tout se complique au contraire, tout se traîne dans une indécision agitée. Les partis sont plus divisés que jamais, les esprits s’aigrissent ou se troublent, et le désordre envahit le parlement lui-même, où les scènes violentes se succèdent, où les votes ne sont enlevés que par des coups de majorités accompagnés d’injures, de défis et d’expulsions. L’Angleterre n’est pas dans un de ses plus beaux momens, sous le consulat conservateur de lord Salisbury !

Si le ministère n’avait à s’occuper que de l’Egypte, éternel objet de négociation à Constantinople, avec le divan, ou à Londres, avec l’ambassadeur de France, il pourrait être tranquille. Ce n’est pas que la question ait cessé d’être délicate et qu’elle ne puisse retrouver un