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REVUE DES DEUX MONDES.

Je me sens enfin délivré de cette obsession de jeunesse : la France de Rosbach et de la Pompadour ne me cache plus la vraie France, si belle et si grande en dépit de ses fautes et de ses malheurs, la première puissance du monde encore et de beaucoup ! Je la vois, d’un abaissement et de malheurs sans exemple, se relever comme d’un bond et reprendre en quelques années sa place en Europe, par la réforme de ses institutions militaires et l’habileté de sa diplomatie. Grande et haute leçon qui ne s’est peut-être jamais imposée par une plus angoissante actualité qu’à l’heure où j’écris ces lignes, et que je m’estimerais heureux d’avoir contribué pour ma part à mettre en lumière.


I. — L’EFFECTIF.

L’armée française ou plutôt l’armée du roi, car c’est ainsi qu’elle s’appelait encore, se composait, au 1er janvier 1789, de trois sortes de troupes : la Maison, les troupes réglées ou la ligne, comme on commençait déjà de les nommer, et les troupes provinciales ou la milice.

La Maison du roi n’était plus à beaucoup près aussi considérable que sous le dernier règne, ayant subi de notables réductions, par suite de la détresse des finances. Cependant elle offrait encore une balle réunion de 8,000 soldats d’élite.

Les troupes réglées comptaient, sur le pied de paix, 172,974 hommes, et sur le pied de guerre, 210,948 hommes.

L’effectif de la milice s’élevait, sur le pied de paix, à 55,240 hommes, et sur le pied de guerre, à 76,000 hommes.

En somme, 236,000 hommes au petit pied, 295,000 hommes sur le pied de guerre, tel était en chiffres ronds, et sur le papier, l’état militaire de la France au commencement de la révolution.

Ces chiffres évidemment ne sauraient avoir une rigueur absolue. Je les emprunte à M. Camille Rousset[1], qui les a lui-même extraits de l’État militaire de la France pour l’année 1789. Mais il faut toujours un peu se défier des évaluations et de la statistique officielles ; elles pèchent généralement par excès d’optimisme, et la prudence commande de ne les accepter que sous bénéfice d’inventaire. C’est ainsi que l’auteur du Tableau historique de la guerre de la révolution, Grimoard, ne porte l’effectif de l’armée de ligne, au 1er juillet 1789, qu’à 163,463 hommes, Maison comprise, et que le baron Poisson, dans son livre : l’Armée et la garde

  1. Volontaires.