seront victimes de tout événement, de tout accident qui les heurtera. Dans la tragi-comédie humaine, ils sont condamnés à jouer à perpétuité le rôle de niais.
Actuellement, 34 enfans sont en apprentissage à l’école professionnelle ; 18 y ont été placés par leur famille, 7 ont été envoyés par l’Assistance publique, 9 proviennent de la Petite-Roquette. Ceux-là, on a été les chercher. La Société protestante se préoccupe des jeunes détenus appartenant à sa communion. Les pasteurs ont droit d’entrée et de visite dans la prison de la correction paternelle ; quand ils découvrent un enfant en prévention pour vagabondage ou pour un délit qui n’offre pas de gravité, ils obtiennent que ce malheureux leur soit confié avant d’être traduit devant les tribunaux ; ils lui épargnent de la sorte la note fâcheuse du casier judiciaire, et à la séquestration ils substituent la classe et l’atelier, ce qui est un inappréciable bienfait. Si l’enfant n’a pu éviter les rigueurs du code pénal, il n’en est pas moins le pupille de la Société de protection, qui l’accueille et redouble d’efforts à son égard lorsque l’heure de la libération a sonné. Les enfans dont l’Assistance publique se décharge au profit ou au détriment de l’école professionnelle appartiennent généralement à des gens misérables, qui estiment que le proverbe : « Dieu bénit les familles nombreuses, » ne trouve pas toujours son application. L’impossibilité de pourvoir aux besoins d’un garçonnet autorise celui-ci à courir la prétentaine, à déserter la mansarde où il n’y a point place pour lui, à tendre la main pour récolter quelques sous et parfois à voler pour manger. La tutelle de la société peut s’exercer alors avec la double satisfaction de soulager la pauvreté et d’arracher à l’océan des vices un enfant près d’y sombrer.
Une femme reste veuve avec cinq enfans : nul moyen de subsister que quelques travaux de couture ; elle n’échappe ni au dénûment ni à la faim permanente. L’aîné à treize ans ; c’est le type du gamin de Paris, alerte, se faufilant partout, trop précoce, volant à l’étalage des épiciers, ouvrant la portière des fiacres pour gagner 2 sous dont il achètera du pain, buvant aux fontaines Wallace et capable de suivre jusqu’au bout du monde la musique d’un régiment en marche. La mère se plaint de ce fils indiscipliné ; elle s’adresse à l’Assistance publique : « Prenez-le-moi, je ne sais qu’en faire et je ne puis le nourrir. » L’enfant est expédié à l’école industrielle ; je l’y ai vu, il n’y fait point mauvaise figure. Il n’est pas indompté, il est goguenard, le geste est provocant, la voix est a canaille, » l’œil a de l’impudence ; il est adroit et va vite en besogne. Si on ne le nettoie pas, si, lorsqu’il quittera l’école, on ne