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emporte la seconde. Malheureusement, cette géante protectrice, qui forme le centre, semble presque improvisée la tête, plate, étroite, mesquine, ouvrant la bouche, pour crier, avec une exagération vulgaire, n’a, ni dans les formes, ni dans le type, ni dans l’ajustement, ni dans l’expression, le caractère de haute dignité qui lui conviendrait. La poitrine, ni franchement drapée, ni franchement découverte, ne se développe pas avec l’ampleur nécessaire. Toute la partie inférieure du corps est empêtrée dans des paquets de draperies lourdes et fripées qu’on croirait tamponnées à la hâte dans les interstices des figures pour en boucher les vides, plutôt que combinées de façon à accentuer leurs mouvemens divers en dégageant réciproquement leurs formes. Pour faire agir cette figure dominante entre les trois autres, M. Boucher s’est évidemment trouvé en présence de difficultés considérables dont il n’a pu venir à bout du premier coup. Cette hésitation et cette gêne dans la figure principale, dont la liaison plastique avec les figures accessoires ne se manifeste que par une obstruction de masses pleines au lieu de s’éclairer par des ajourages habiles, nuisent beaucoup à l’effet général de ce groupe et disposent le public à méconnaître les qualités viriles qui le distinguent de presque tous les ouvrages environnans. Le forgeron, d’ailleurs si mal relié à l’action qu’on pourrait presque le supprimer sans compromettre l’équilibre de l’ensemble, est un morceau énergique qui ferait honneur aux chefs de notre école. Le combattant qui agonise et son fils qui vient le remplacer, pris en eux-mêmes, sont aussi des études excellentes. D’une part, on ne peut donc conseiller à M. Boucher de transporter dans le marbre cette scène héroïque sans l’avoir remaniée avec soin, afin de lui assurer plus de cohésion ; d’autre part, il serait très fâcheux qu’une conception si haute et si puissante, déjà réalisée en quelques parties, fût abandonnée à l’état de projet lorsqu’il lui faut si peu de chose pour aboutir. Nous espérons retrouver dans quelques années le groupe de M. Boucher, mûri cette fois à point par des retouches réfléchies, à la place d’honneur de l’Exposition.

Autour du Vaincre ou mourir de M. Boucher se rangent un certain nombre d’autres groupes, achevés ou en projet, d’un style assez vigoureux, d’une exécution soignée et correcte, qui dénotent, chez leurs auteurs, les mêmes préoccupations patriotiques et morales. La noblesse de la pensée y soutient presque toujours la force de l’inspiration ; plusieurs de ces ouvrages pourront tenir une place utile sur des squares ou des places publiques. On veille de M. Desca est un avertissement énergique et clair. Sur le sommet d’un rocher, un Gaulois chevelu, à longues moustaches, fermement campé sur