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ses jambes écartées, serrant dans ses poings une courte pique, dans une attitude défensive, regarde au loin fixement devant lui, tandis qu’à ses pieds, sur sa droite, un autre Gaulois, coiffé d’une peau de bélier cornu, un genou en terre, s’appuyant d’une main sur le sol, de l’autre préparant une arme, regarde vers le même point en rampant avec prudence, comme un chasseur aux aguets. Les figures, un peu pesantes, sont robustes et expressives ; le groupe, dans son ensemble, est bien équilibré ; s’il y avait quelque reproche à faire à M. Desca, au point de vue de l’exécution, ce serait de l’avoir parfois poussée trop loin, au risque d’amollir certaines parties des nus par l’excès du soin avec lequel sont précisées les inflexions musculaires. L’insistance, en certaines occasions, ne vaut pas mieux que la négligence ; l’exagération de l’accent anatomique nuit presque autant à une œuvre d’art que son insuffisance ; la meilleure statue sera toujours celle où l’habileté du praticien ne se découvre qu’à la réflexion, lorsqu’on a éprouvé d’abord toute la force première de l’émotion esthétique.

La Défense du foyer par M. Boisseau se rapproche beaucoup, par toutes ses tendances, du groupe On veille de M. Desca. Ici, le Gaulois, debout encore, a pourtant essuyé une première défaite ; il ne tient plus à la main qu’un débris de glaive et s’apprête à défendre sa jeune femme assise à son côté ; celle-ci, tenant sur ses genoux un enfant en larmes, se presse contre lui, en regardant en face d’un air épouvanté. La disposition du groupe, plus étroitement massé, est claire et sculpturale ; dans la recherche générale des formes, notamment dans l’expression de la femme et de l’enfant, on sent une intelligence poétique et élevée. On s’étonne seulement que, dans un marbre de cette dimension, dans un ouvrage de cette portée, un sculpteur exercé, comme l’est M. Boisseau, n’ait pas, au dernier moment, simplifié quelques complications inutiles dans l’ajustement primitif de son héros et quelques indications de détails mesquins, par exemple une déchirure dans la draperie de la femme. Il faut laisser ces puérilités, qui n’amusent qu’un public grossier, à des réalistes aux abois. Le même sujet, placé dans une époque plus reculée, aux confins de l’âge de pierre, par M. Cordonnier, nous semble gâté par cette même surcharge d’armement préhistorique, d’autant plus déplacée que le héros y est d’une maigreur extrême. Dans cette scène de Protection, c’est à qui sera le plus efflanqué, du mari, du vieux père, de l’enfant, de la femme, bien que celle-ci ait des membres inférieurs d’une force et d’une dimension inquiétantes pour le cas où elle viendrait à se redresser. Pour le moment, elle s’affaisse, toute repliée sur son enfant, épouvantée, demi-morte, entre les jambes de son protecteur, tandis que