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veiller à ce que, dans l’armée allemande, tous les corps soient au complet et prêts à marcher, et que l’unité s’établisse et soit maintenue dans l’organisation des troupes, leur formation, leur armement, leur commandement et leur instruction, comme aussi dans la qualification hiérarchique des officiers. A cet effet, l’empereur est autorisé à se convaincre en tout temps, par des inspections, de la situation des différens contingens et à faire disparaître, au moyen d’ordonnances impériales, les vices et défauts qui se seraient manifestés. L’empereur fixe l’effectif, la division et la distribution des contingens de l’armée de l’empire, ainsi que l’organisation de la landwehr; il a le droit de désigner les garnisons dans toute l’étendue de l’empire et d’ordonner la mobilisation de n’importe quelle partie de l’armée impériale. Toutes les troupes allemandes sont tenues d’obéir sans restrictions aux ordres de l’empereur. Cette obligation sera introduite dans le serment du drapeau. — Le droit de construire des forteresses sur toute l’étendue du territoire fédéral appartient à l’empereur. — Il n’y a qu’une marine de guerre pour tout l’empire. Elle est placée sous le commandement suprême de l’empereur. Son organisation et sa composition incombent à l’empereur, qui nomme les officiers et les employés de la marine, lesquels lui prêtent serment, ainsi que les équipages. »

Telle est l’organisation de l’empire : elle est toute économique et militaire ; elle est prussienne. Quelques théoriciens attardés, admirateurs rétrospectifs du saint-empire, disciples de Leibniz et de Pufendorf, la trouvent bien moderne, bien pratique et bien prosaïque. On n’y parle, disent-ils, que de matière et d’intérêts matériels. La grande patrie des philosophes, des penseurs et des poètes est devenue une maison de commerce et une caserne. Eh! quoi? tel article prévoit que les princes allemands voudront conserver quelques apparences de leur souveraineté d’autrefois : il leur permet de passer des revues en tout temps. Pour les consoler du chagrin qu’ils éprouveront à voir leurs soldats vêtus de tuniques de couleur et de coupe prussiennes, il les autorise à donner à leurs contingens des signes extérieurs particuliers, « tels que cocardes. » Un autre article impose aux administrateurs de chemin de fer, en de certaines circonstances déterminées, un abaissement des tarifs « pour le transport des farines, farineux, pommes de terre! » Et le législateur, qui descend à de pareils détails, n’a point trouvé un mot, un seul mot pour l’esprit et pour l’âme de l’idéaliste Allemagne !.. Mais ce sont là des regrets superflus, et il est clair qu’il ne convient pas de demander au roi de Prusse de travailler pour l’idéal. La Prusse a inventé, au temps où l’Allemagne était morcelée en petits états, l’union douanière ou Zollverein ; elle a trouvé un bon système militaire :