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La chambre de punition : ce mot me sonnait mal aux oreilles ; j’ai demandé à la voir. J’y suis entré et n’ai pu m’empêcher de rire. Dans une chambrette très claire et qui ne ressemble en rien au carcere duro, j’ai vu des piles de serviettes, de fichus, de mouchoirs et de taies d’oreillers. La chambre de punition fait office de dépôt pour le linge ouvré : c’est bon signe.

Les petites filles que leurs familles ont pour ainsi dire abandonnées, et que les diaconesses ont adoptées, manquaient à la maison paternelle d’une direction intelligente. Cette direction, le disciplinaire la leur imprime, et elles s’en trouveront bien, car elles en auront reçu l’outil, l’outil perfectionné, qui, plus tard, deviendra leur gagne-pain. La couture est un art ; je m’en suis aperçu en examinant les ouvrages de lingerie que ces enfans confectionnent. Elles ont découvert tous les mystères de l’aiguille ; elles travaillent avec la précision que donne l’expérience. On m’a montré, en les faisant valoir, des ourlets, des surjets, des piqués, des points droits, des points arrière, des points rabattus, des points d’anglaise, des points de chaînette ; j’ai admiré de confiance, car, sous ce rapport, mon éducation a été un peu négligée. Leur habileté est connue et même fort appréciée, car beaucoup de particulières et plus d’un magasin célèbre s’adressent à elles, et ce métier, que leur famille a été impuissante à leur enseigner, n’est pas sans utilité pour la maison hospitalière qui les a recueillies. La besogne ne chôme pas, car je constate qu’au cours de l’année 1885, l’atelier du disciplinaire a fourni neuf mille huit cent quarante-cinq journées de travail, qui correspondent aux journées de présence des pensionnaires. Assises sur des bancs, rangées contre la muraille en deux escouades qui se font face, elles restent silencieuses, tête baissée, tirant l’aiguille, et rougissent lorsqu’on les regarde, comme si elles redoutaient que l’on ne découvrît leurs pensées secrètes et les souvenirs de leur passé. Il n’y a point de passé pour des enfans si jeunes, inconscientes peut-être, à coup sûr irresponsables ; il n’existe de réhabilitation que pour celles qui étaient d’âge à pécher résolument et en connaissance de cause. Celles que j’ai vues là n’ont point à se relever, car si elles sont tombées, c’est sans le savoir, c’est parce qu’on les a poussées trop durement là même où l’on aurait dû les soutenir. Pour elles, tout espoir est permis et tout salut peut être assuré. Une statistique officielle fournit des chiffres rassurans. Sur trente-trois élèves sorties du disciplinaire dans un espace de dix années, dix-sept suivaient le bon chemin dans la vie : plus de la moitié, c’est une proportion considérable et qui n’a pu être obtenue que parce que l’action préservatrice a été exercée sur des enfans d’une extrême jeunesse. Cette proportion n’est plus la même dès que nous pénétrons dans