Le sac est ensuite brûlé avec soin, et il se forme de petits lingots que le faussaire recueille.
Ce procédé est ancien, et il est à croire qu’il n’est pas abandonné; les financiers anglais sont d’accord pour réclamer le redressement de la circulation britannique. A l’occasion de la grande commission monétaire instituée en septembre dernier par lord Randolph Churchill, un banquier expérimenté, membre du parlement, M. Samuel Montagu, ne craignait pas de déclarer, dans une lettre rendue publique, que 40 à 50 millions de l’or anglais (1,200 millions de francs) et la moitié des pièces d’argent circulaient au-dessous de la valeur requise par la loi. La même affirmation vient d’être reproduite devant les communes dans la récente discussion du budget. Il y a peu de mois qu’on citait avec étonnement au Stock-Exchange un achat fait à la Banque d’Angleterre de pièces d’or françaises à un cours tel, qu’en calculant le prix d’achat avec les frais accessoires pour l’expédition en France, il devait en résulter une perte d’environ 0 fr.02 par livre sterling. On oubliait que la Banque d’Angleterre n’achète et ne vend les monnaies étrangères que comme lingots et suivant la quantité de métal fin qu’elles renferment, et comme les napoléons livrés par la Banque d’Angleterre étaient en grande partie usés par la frai et au-dessous du poids légal, l’importateur a pu réaliser un bénéfice en les semant dans la circulation française au cours de 20 francs. On pourrait multiplier les exemples.
Quand on voit nombre de gens, en tout pays commercial, déployer tant de subtilité pour happer au passage les parcelles de la richesse publique, atomes flottans qui se condensent à la longue et constituent des fortunes, peut-on supposer qu’il ne se trouve nulle part, dans les bas-fonds de la finance, des gens qui ont calculé qu’une fabrication clandestine des écus d’argent donnerait aujourd’hui un gain de 30 à 40 pour 100[1] ? La sécurité qui paraît exister à cet égard est vraiment surprenante. L’Union latine a pourtant reçu un premier avertissement. En octobre 1885, le gouvernement italien, désireux de compléter l’uniformité de ses monnaies, se fit autoriser par la conférence qui siégeait à Paris à retirer de la circulation les anciennes piastres du royaume de Naples portant l’effigie bourbonienne, en frappant pour les remplacer des pièces nouvelles de 5 lires. L’opération était facile ; la piastre napolitaine valant intrinsèquement 5 lires 10 centimes pouvait être refondue sans perte ; la plus grande partie de ces pièces, qui dataient de vingt-cinq ans.
- ↑ L’once silver standard, sur le marché de Londres, est coté actuellement à 43 deniers, après être descendu à 42; le rapport de l’or à l’argent, au lieu de 1 à 15 1/2, oscille entre 20 et 22, soit une baisse de 30 à 40 pour 100.