généralement sous l’illusion de la routine, qui attribuait aux monnaies une valeur relative immuable ; on ne prévoyait pas que l’un des deux métaux précieux, surtout l’argent, en faveur à cette époque, pouvait tomber commercialement bien au-dessous de l’autre. L’échange de pièces similaires entre associés paraissait une chose naturelle et permanente ; on n’avait rien stipulé pour le cas où l’association viendrait à se dissoudre. La convention, d’ailleurs, avait été dénoncée par la Suisse en temps utile. Il s’agissait donc, en vue de l’échéance prochaine, de se mettre d’accord sur un procédé de liquidation. La proposition, introduite et soutenue avec autorité par le gouverneur de la Banque de France, se résumait ainsi : reprise par chacun des états des pièces de 5 francs d’argent provenant de lui en échange des pièces semblables aux effigies de ses associés, et remboursement des pièces dont on n’aurait pas pu fournir la contrepartie à la valeur pleine de 1865, c’est-à-dire en or. L’Italie ne paraissait pas faire obstacle à ce genre de liquidation; la Suisse y avait avantage; il n’en était pas de même pour la Belgique. On y avait poussé à l’excès le monnayage de l’argent lorsqu’il portait profit ; il y avait eu un débordement d’écus belges en France, dépassant de beaucoup la circulation française en Belgique. On devait craindre à Bruxelles que la compensation à fournir en or dépassât les forces du pays. La Belgique résista; son représentant, M. Pirmez, déploya un remarquable talent dans la défense d’une mauvaise cause, et, déclarant l’entente impossible, se retira pour aller consulter son gouvernement.
Pour être réduite à quatre membres, la conférence ne resta pas moins active. Une question de haute importance fut résolue, après de longues et importantes délibérations. Aux termes de la convention primitive, les écus de l’Union latine ont cours légal en Italie et en Suisse, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être refusés entre particuliers, et que leur emploi est illimité dans le paiement des dettes. Il n’en est pas de même en France : les conventions stipulent que les pièces de frappe étrangère sont admissibles à la Banque et dans les caisses publiques, et la Banque ne les reçoit que pour compte du trésor ; les particuliers ne sont pas tenus de les accepter et pourraient les repousser[1]. L’Italie et la Suisse demandaient qu’il y eût assimilation, quant à la force légale, entre tous les états associés. Le gouverneur de la Banque de France résista énergiquement à cette prétention, et ce fut pour lui l’occasion de faire sanctionner d’une manière formelle la précieuse garantie qui couvrait son établissement.
- ↑ Ce fait a été consacré par un arrêt de la Cour de cassation en janvier 1883.