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particuliers ? C’est une sorte d’hallucination contraire à toute vraisemblance. Dans la conférence de 1878, M. Goschen a dit : « L’Angleterre est très fermement décidée à maintenir chez elle l’étalon d’or unique. » La Suède et la Norvège sont du même avis. L’Allemagne vient de se mettre au régime de l’or, et ce n’est pas pour y renoncer aujourd’hui. En effet, dans la discussion budgétaire de 1885, le ministre des finances de l’empire déclarait qu’entre la proposition d’un bimétallisme universel et le régime adopté par l’Allemagne, s’il y a un abîme, » et M. de Bismarck ajoutait que l’idée d’universaliser à pouvoir égal l’usage des deux métaux et de maintenir entre eux un rapport invariable en vertu d’un contrat international lui paraissait chimérique a à une époque où il peut y avoir des guerres, où les états doivent entretenir des armées, où l’observation fidèle des traités n’est pas éternelle. »

Admettons par hypothèse que le bimétallisme fût généralement adopté et le règne du 15 1/2 restauré. Supposons que sur les 200 millions de kilogrammes de métal argent qu’on dit avoir été tiré de la terre depuis le XVe siècle, la moitié seulement joue encore un rôle monétaire. Voici 100 millions de kilogrammes dont la valeur actuelle au cours du commerce est de 15 à 16 milliards, auxquels seraient attribués du jour au lendemain un pouvoir d’achat universellement reconnu de 22 milliards ! Il y a de par le monde des amas de lingots d’un emploi difficile aujourd’hui qu’on s’empresserait d’envoyer au monnayage pour profiter de la plus-value, Chaque année, l’exploitation des mines augmente encore l’ancien stock dans une proportion de 500 à 600 millions de francs. Les ateliers monétaires du monde entier seraient ouverts à la fabrication des écus. Le seul hôtel des monnaies de Paris, où se trouve un outillage excellent à la disposition d’un directeur expérimenté, donnerait pour l’année 750 millions de francs[1] ! Supposons une activité semblable dans tous les autres ateliers monétaires d’Europe ou d’Amérique : la circulation générale, celle de la France surtout, serait bientôt grossie par des flots d’écus Assurément, on constaterait pendant la première année la hausse des prix et des salaires, et il y aurait à faire de jolis coups de bourse ; l’année suivante, un tremblement du terrain commercial amènerait un krack épouvantable, l’engloutissement de toutes les espérances !

  1. Les presses monétaires de Thonnelier peuvent donner :
    Pièces de 5 francs par minute. 50 à 55
    — 2 — — 55 à 60
    — 1 — — 60 à 65
    Pièces de 50 centimes par minute 75 à 70
    — 20 — — 76 à 80